Temps mort [Camille]

Temps mort

Camille

Les bruits distinctifs des sabots sur le sol bétonné se firent finalement entendre. Jérémie jeta un oeil dans l'allée de l'écurie pour voir Valerian mener Guappelou à la sortie. Décidément, pour un premier échange, ça ne s'était pas passé au mieux. Est-ce que Jérémie s'était attendu à autre chose en dévoilant les méfaits de Taylor à l'homme ? Pas vraiment. Cela n'avait fait que lui confirmer de dont il se doutait déjà. En plus de lui rappelait la raison pour laquelle il ne parlait pas aux autres : ça ne servait à rien. Ca n'aboutissait à rien. Surtout avec les aînés. Ils étaient tous tellement fiers d'avoir raison. Et ce directeur, avec son syndrome de super héros qui ne pensait qu'au bien-être des résidents, quoi qu'il était prêt à laisser l'une d'entre elle se faire massacré par un cheval caractériel. Ce gars là ne semblait même pas connaître les chevaux du domaine, à en juger par son ignorance envers l'un des plus vieux de l'écurie. Comment espérer alors qu'il se soucie d'eux ?

Jérémie lâcha un soupire blasé. Non vraiment, il n'avait eut aucun espoir en avouant au psychiatre ce qu'il en était. La prochaine fois, il rendra les compte à Alessendro. Ce dernier n'aura qu'à faire l'intermédiaire, ça vaudra mieux. Le jeune palefrenier n'avait clairement pas envie de se lancer dans une future entrevue avec le directeur. Une fois semblait lui avoir suffit pour le restant de ses jours. Oui, malgré le fait que tout ce soit passé dans le calme, le garçon d'écurie en ressortait avec une certaine frustration. Voilà ce qui arrivait quand on parlait aux gens. Le jeune homme entreprit de ranger un peu ce qui traînait dans l'écurie, sans cesser de repenser aux paroles de l'homme : "Vous êtes de l’autres côté désormais, Jérémie : à votre niveau vous aidez également ces jeunes." Jérémie posa brutalement la pelle contre le mur. Et non, c'est là qu'il se trompait. Jérémie n'était du côté de personne si ce n'était celui des chevaux.

Longeant les box, il aperçut alors celui de Vagabone, qui broutait tranquillement son foin. Sans une once d'hésitation, le jeune homme pénétra à l'intérieur du box. Il salua l'animal qui avait relevé la tête vers lui d'une caresse sur l'encolure. La jument blanche tendit alors le cou vers lui, flairant un bref instant les poches de sa veste en cuir dans l'espoir de dénicher une petite gâterie, mais il n'y avait rien. Quelque peu vexée, elle se remit à son foin. Le jeune homme, pour sa part, gagna le fond du box avant de s'y adosser et de se laisser glisser au sol jusqu'à s'asseoir dans la paille. S'il y avait bien un remède lorsqu'il se sentait particulièrement frustré, c'était de s'isoler en meilleure compagnie. Affalé ainsi contre le mur, il observa un moment la jument. "Nous supportons bien ses sauts d’humeur, elle peut bien supporter ceux de Taylor de temps en temps." Jérémie fronça les sourcils. Sauf que cette pauvre Vanilla n'avait pas demandé à se payer une pareille résidente pour s'occuper d'elle. Si près de l'animal, le palefrenier tendit la main et la posa sur son membre lésé. Celui-ci était particulièrement poisseux, signe que son gel pour sa tendinite avait été appliqué comme convenu.

- Tu as bien de la chance toi au moins...soupira t-il.

Il songeait à Vanilla, qui aurait sans doute bien besoin qu'on s'occupe d'elle autant que ce résident prenait soin de cette jument. Mais le directeur ne changera jamais d'avis la concernant et ce n'était pas le but de Jérémie que de faire en sorte à ce qu'il le fasse. Il ne pouvait qu'attendre, et espérer que l'homme avait raison. Que les choses allaient s'arranger d'elles-même. A un moment donné, le garçon d'écurie, qui s'était perdu dans ses pensées, sentit la chaleur émaner des naseaux de la jument qui avait reporté son attention sur lui. Son souffle lui agitait quelques mèches de cheveux et le jeune homme esquissa un sourire en relevant la tête vers elle avant de passer sa main sur son museau tout doux.

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Encore un bel après-midi à l'horizon songea Camille en approchant de l'écurie, lançant la pomme qu'il avait dans sa main en l'air. Il était déjà passé voir Vagabone ce matin pour lui passer sa crème sur son membre malade, mais là, il avait prévu de faire marcher un peu la jument autour de l'écurie, histoire qu'elle puisse marcher sur quelque chose d'autre que sa litière.

Il s'approcha du box de la jument, l'interpellant gaiement.

« Hey Princesse ! Regarde ce que j'ai piqué à la cantine pour toi, une pomme ! On la partage ? »

Mais l’absence de réaction de la jument lui fit froncer les sourcils.

« Vagabone ? »

D'habitude, quand il arrivait et qu'il interpellait l'animal, elle relevait la tête. Au moins pour voir qui venait la déranger, au mieux pour offrir sa jolie tête aux caresses du visiteur en la passant par-dessus la porte du box. Mais là, elle tournait le dos à la porte est avait la tête en bas...

C'était mauvais signe ça, non ? Camille s'approcha rapidement de la porte, assez inquiet. Il avait le cœur qui battait à cent kilomètres heure. Et quand il aperçut une silhouette au fond du box, un cri lui échappa.

« AH ! »

La surprise fut violente, il ne s'attendait pas à voir la jument en présence d'un autre être humain. C'est lui qui captait toute l'attention de la belle. Mais une fois sa frayeur passée, il reconnut le palefrenier Jérémie, celui qui l'avait aidé il y a quelque temps.

« Pu … putain Jérémie … Tu m'as … Tu m'as fait peur ... »

Camille se ressaisit mais son inquiétude restait présente. Normalement, personne d'autre que lui ne devait s'occuper de la jument. Alors que faisait l'homme aux cheveux noirs dans le box de Vagabone ? Avait-il fait une bêtise ? Oublié quelque chose ? Ou pire, la jument était peut-être malade ? Oh mon Dieu c'était peut-être même sa faute si elle était malade. Il déglutit difficilement.

« Qu'est-ce que tu fais là ? Vagabone a un soucis ? »

C'est avec inquiétude que Camille ouvrit la porte du box, inspectant sa jument du regard. Elle ne semblait pas blessée et releva même sa tête à l'ouverture du box. Mais c'était peut-être autre chose ?

Il posa un pied à l'intérieur et se figea, posant ses yeux sur le palefrenier et fut incapable de franchir la porte du box. Soudain, Camille n'était plus vraiment là ... Et ce n'était pas Jérémie qui se trouvait devant lui, mais une toute autre personne. Son regard n'était plus vraiment inquiet, mais franchement apeuré. À cet instant le garçon luttait contre ses souvenirs. Pourquoi devait-il se rappeler de ça maintenant ?

Heureusement pour lui, un cheval hennit à l'autre bout de l'écurie et sortie Camille de ses pensées. Il se reprit, tout à fait conscient qu'il devait paraître particulièrement bizarre. Et il entra auprès de sa jument et du palefrenier.

Temps mort

Camille

Jérémie n'avait pas fait attention aux pas qu'il aurait dû entendre d'ordinaire dans l'allée de l'écurie, trop plongé dans ses réflexions et la contemplation de la jument de sport pour ça. Il ne fut interpellé que lorsqu'une voix se fit entendre juste devant le box de l'animal. Le palefrenier se raidit. Il n'avait pas prévu voir qui que ce soit d'autre pour aujourd'hui. Les écuries avaient été tellement calme et déserté de résident qu'il pensait pouvoir en profiter un peu. Mais apparemment, il devait couper court à sa sérénité car quoi qu'aient pu faire les pensionnaires jusqu'à présent, ils étaient désormais libre pour aller voir leurs chevaux. Le garçon d'écurie émit un soupire discret. Pour quoi allait-il passer à être surpris de la sorte ? Oh peu importe en fait. Il s'en moquait bien. Ce n'était pas un adolescent qui allait lui faire une leçon, non ? Mais alors que le jeune homme comptait se relever, un cri s'échappa de la bouche du blond dont il avait faiblement reconnut la voix un peu plus tôt.

Au cri du résident, Vagabone releva brutalement la tête, les oreilles plaquées sur sa nuque, visiblement affolée et mécontente d'avoir été prise par surprise. Elle s'était agitée et Jérémie resta finalement au sol quelques secondes de plus pour éviter un coup de sabot mal placé. Une fois sûr qu'il ne risquait plus rien, il se releva aussi calmement que faire se peut avant de poser une main sur l'encolure de l'animal pour la calme, un "shhh" s'échappant de ses lèvres pour accompagner le tout. Pendant ce temps là, l'adolescent, qui semblait s'être effrayé d'avoir vu quelqu'un dans le box de la jument, avait apparemment du mal à s'en remettre. Eh beh, il ne lui en fallait pas beaucoup !

- Ca va pas non ? rétorqua le jeune palefrenier qui caressait toujours l'équidé, c'est pas une raison pour gueuler !

Ou peut-être que si ? Enfin se mettre à crier à côté d'un cheval n'était jamais une bonne idée alors si ça lui prenait souvent, ce n'était pas l'idéal pour Vagabone qui devait rester au calme. Le blond l'interrogea alors sur sa présence ici. Une question probablement légitime et à laquelle Jérémie n'avait pas vraiment de réponse. Lui aussi tenta de se ressaisir de son emportement, se concentrant sur les caresses à la jument pour cela. Après quoi, il répondit finalement tandis que l'autre pénétra dans le box à son tour.

- Hm, non, non, tout va bien.

Mais à lui avoir fermer le clapet, Jérémie y était peut-être aller un peu fort ? Non ? Non parce que le blond s'était soudainement immobilisé comme s'il avait un monstre à cinq têtes en face de lui. Jérémie voulait bien croire qu'il avait un peu élevé la voix et qu'il s'était énervé un peu gratuitement sur ce pauvre garçon mais tout de même. Son but n'avait jamais été de causer une attaque à un pensionnaire. Moins encore sur l'un des plus assidus du domaine. Se croyant coupable sur le moment, il se racla la gorge, à la fois mal à l'aise et pour tenter de faire comme si rien ne s'était passé.

- Tu es venu t'occuper d'elle j'imagine ? C'est bon, je te laisse faire.

De quelques gestes, il épousseta son skinny pour dégager les derniers brins de paille qui restaient accrochés avant de passer auprès du blond sans le regarder pour passer la porte du box à son tour.

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La seule chose qui resta dans sa tête une fois son effroi passé, était que Vagabone allait bien. Camille n’aurait jamais pensé s’attacher à un cheval aussi rapidement mais il savait que s’il arrivait quelque chose à sa jument, il en serait malade. Mais là, comme le palefrenier venait de le lui confirmer, tout allait bien.

Même s’il lui faisait confiance en ce qui concernait les chevaux, le blond ne put s’empêcher de continuer son inspection visuelle rapidement. Quand Jérémie se releva et prit congé de lui, il ne put s’empêcher de frissonner quand ce dernier passa à côté de lui pour sortir du box. Il soupira pour essayer de se détendre. Qu’est-ce qui lui arrivait aujourd’hui ? Il n’y avait strictement aucune raison de flipper ici … Alors pourquoi repensait-il à ça ?

Mais, malgré son malaise, le résident avait l’impression d’avoir délogé le palefrenier.

« Tu peux rester si tu veux. Ça ne me dérange pas d’avoir de la compagnie. Et je crois que Vagabone sera contente que je saoule quelqu’un d’autre avec mes bavardages. »

Et puis, ce n’était pas un mensonge. Camille n’était pas un vrai solitaire de nature. Alors, tant que Jérémie ne re-rentrait pas dans le box par surprise pendant qu’il s’y trouvait, il n’y avait pas de soucis. Camille fronça à nouveau les sourcils mécontents de lui. Il fallait vraiment qu’il se mette un coup de pied au cul aujourd’hui. C’était quoi le problème bordel, Jérémie ne lui ressemblait même pas …

Se reprenant, il sourit un peu penaud au palefrenier.

« Et je te pris de m’excuser d’avoir crié. Mais pour ma défense, je ne m’attendais pas à voir quelqu’un à l’intérieur de son box. »

Il se tourna ensuite vers sa jument, la caressant doucement sur l’encolure. Laissant sa main parcours sa robe immaculée. La douce chaleur qui s’échappait d’elle était vraiment réconfortante. Comment avait-il pu vivre sans vraiment connaître cette sensation jusqu’à maintenant ? C’était tellement agréable.

« Et je m’excuse aussi Vagabone, je ne voulais pas t’effrayer. Pour me faire pardonner tu as droit à un petit bout de pomme. »

Camille sortit un quartier de pomme de sa poche, il souriait comme un bien heureux en gratouillant sous la fine crinière de la jument, alors que cette dernière mâchait déjà sa gourmandise. Il était vraiment en admiration devant l’équidé, il la trouvait magnifique, mais cela ne datait pas d’hier, tout en elle lui plaisait. Même ses mauvais côtés.

« Tu penses qu’elle m’aime bien ? »

Il avait posé cette question sans vraiment s’en rendre compte, et sans vraiment attendre de réponse d’ailleurs. Mais il était pensif.

Temps mort

Camille

Jérémie n'avait jamais eu de tact avec qui que ce soit, moins encore avec les résidents. Mais c'était sans doute la première fois qu'il sentait faire un effet aussi négatif à l'un d'eux. Il essaya d'ignorer ce fait. Son but n'était pas de mettre à l'aise les autres de toute façon. Alors qu'il quitta le box, le blond lui assura malgré tout qu'il pouvait rester. Jérémie s'était tourné vers lui. Si Camille appréciait la compagnie, tant mieux pour lui. Hélas, le problème résidait surtout dans le fait que ce n'était pas le cas du palefrenier.

- Euh non, j'ai à faire, lança t-il alors pour toute réponse.

Ce n'était pas vrai. Il avait fini son boulot pour le moment. Et quand il avait du temps libre de cette manière, il le tuait en tenant compagnie aux chevaux, au box ou au pré, ou alors il en profitait pour aller fumer à l'extérieur du domaine. Mais une chose était certaine, il n'était pas apte à le passer avec un autre être humain. Le jeune blond eut un petit sourire avant de finalement s'excuser pour l'incident d'il y a un instant. Jérémie eut un léger hochement de tête, avant de finalement répondre :

- Mouais. Je suppose que c'était légitime.

Non pas de crier, mais d'être surpris de voir quelqu'un poser au sol dans un box. Surtout qu'avec sa dégaine, le garçon d'écurie était parfaitement conscient de ne pas inspirer confiance aux premiers abords. L'adolescent s'excusa également auprès du cheval. Jérémie, en guise d'observateur, voyait une nette différence entre Taylor qui considérait les chevaux comme plus bas que sa semelle et Camille qui avait l'air de les tenir en haute estime, sans doute à l'égal de l'homme. Le palefrenier fut un peu pris au dépourvu à la question du blond. C'était clairement le genre d'échange dont il n'avait pas l'habitude et son regard tomba sur la jument qui appréciait son morceau de fruit.

- Hm, ben...On dirait bien.

Si ça avait été le contraire, l'adolescent s'en serait sans doute rendu compte. Les chevaux savaient très bien se faire comprendre de ce côté là.

- Ce qui compte, c'est que ce soit réciproque.

En cela, l'adolescent s'était grandement amélioré. Il avait rapidement pris confiance en lui, en la jument, pour l'aimer comme elle méritait d'être aimé. Est-ce qu'un jour, il y aura quelqu'un pour aimer Vanilla de la sorte ? Pour que cette dernière puisse enfin faire confiance à quelqu'un ? Qu'elle puisse être bien dans sa peau, sans crainte ni tension en elle.

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Camille fut un peu plus soulagé quand Jérémie sembla ne pas être en colère quant à son comportement. Il n’aurait pas aimé se mettre à dos le palefrenier. Parce que ce type était vraiment sympa, enfin du point de vue de Camille.

« Oh mais oui je l’aime beaucoup moi aussi ! Je ne pensais pas que c’était aussi génial de s’occuper d’un cheval. Et puis, ce qui est cool c’est qu’elle n’attend rien en particulier de moi. Du moment que je m’occupe d’elle correctement. C’est agréable de … »

… d’oublier ce que l’on était. De n’avoir aucun jugement en face. Pour Vagabone, Camille n’était ni le fils prodigue, ni je monsieur je-sais-tout agaçant, ni le garçon qui c’était fait violé et encore moins le type incapable de contrôler ses envies de nourriture … Il était juste lui. Pas de passé, pas d’avenir, il était juste le garçon qui la nourrissait et la soignait. Et il aimait ça.

Et quand il y réfléchit, il se dit que c’était quasiment pour les mêmes choses qu’il apprécier le palefrenier. Ce dernier n’était ni psy, ni enseignant, et du moment qu’il s’occupait bien de Vagabone cela semblait lui convenir. Camille sourit à sa réflexion, mais il restait pensif, continuant de lui caresser l’encolure doucement.

Il changea de sujet, pour éviter de continuer à trop réfléchir.

« Quand elle sera guérie, elle partira d’ici ? »

Camille se dit que ce n’était peut-être pas le sujet qu’il avait envie d’aborder maintenant. Pourquoi penser à ça ? Il savait que la jument n’était ici qu’en convalescence. Donc cela impliquait bien qu’elle quitte le domaine un jour, surement avant lui d’ailleurs.

« Enfin … J’espère que son propriétaire sait la chance qu’il a d’avoir une jument pareille. J’aimerais bien avoir un cheval à moi, un jour. Tu en as un à toi Jérémie ?»

Camille donna un nouveau morceau de pomme à la jument et alla attraper une brosse à l’extérieur du box avant de commencer à la panser. Quitte à discuter, autant que cela soit utile pour elle. Et même si sa robe était toujours immaculée, rien n’empêchait le jeune homme de continuer à la frotter.

Temps mort

Camille

Jérémie s'était véritablement énervé au départ, lorsque l'adolescent avait crié. Mais généralement, le palefrenier faisait tout pour calmer ses ardeurs, pour empêcher l'agressivité qu'il avait acquis dans son enfance refaire surface dans le présent. Almara lui avait permis d'enfermer ce tempérament au fond d'un tiroir. Mais il faut croire que, de temps en temps, c'était encore capable de ressortir, surtout quand le garçon était contrarié de base, ce qui avait été le cas suite à sa conversation avec le directeur. Mais pauvre Camille, tout ceci n'était clairement pas de sa faute et il n'avait pas mérité que l'homme hausse le ton de cette manière.

L'adolescent affirma qu'il adorait Vagabone. Il adorait s'en occuper, en prendre soin. Jérémie savait bien de quoi il parlait. Il était passé par là lui aussi à l'époque. Mais il avait beaucoup moins évident à convaincre que le blond, qui était une âme gentille de base. Jérémie avait dû apprendre également à être sympa avant d'espérer pouvoir approcher le cheval qu'on lui avait confié à l'époque. Le jeune homme regarda le résident qui s'était subitement interrompu dans son discours. Il l'interrogea du regard. Mais s'il avait pu lire ses pensées, il aurait été d'accord avec lui. C'était pour ça aussi qu'il avait choisi de rester vivre à Almara, d'y travailler. Il ne voulait pas refaire une vie dans la société, il en avait assez vu d'elle. Il voulait rester dans cette bulle campagnarde, où seul la hiérarchie était au courant de ce qu'il avait été, de ce qu'il avait fait. Tout en cherchant également à préserver de tous le fait qu'il ait été résident ici jadis.

- Elle rentrera chez elle.

Au Japon, chez son propriétaire qui n'avait même pas su s'occuper d'elle correctement. Elle reprendra sans doute les courses et reprendra sa place de championne comme il se doit. Jérémie ne pouvait qu'espérer que ce soit un destin qui plaisait à la jument. Il ne pourra jamais le savoir, mais il savait qu'elle était trop précieuse pour néanmoins être confronté à une vie misérable. Du moins, tant qu'elle ramènera de l'argent sans doute...Cette hypothèse l'inquiétait intérieurement, mais ce n'était pas à lui de songer à ce que deviendra l'animal.

- Il sait qu'il a de la chance parce qu'elle peut lui rapporter de l'argent, confia t-il alors sans trop le vouloir.

C'était le seul point sur lequel Taylor avait raison : les chevaux étaient esclaves des hommes. Enfin, pour la majorité du moins. Monter dessus pour les balades, ce n'était pas trop grave, mais s'en servir juste pour gagner de l'argent, c'était autre chose aux yeux du jeune homme.

- Non, répondit le palefrenier en glissa machinalement ses mains dans ses poches, mais tous ici je les considère un peu à moi...

Pourquoi il lui disait ça ? Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire en plus ? Le garçon d'écurie lâcha un soupire. Ca ne lui ressemblait pas ce genre de conversation. Peut-être que c'était parce qu'il avait eut un peu la même avant avec le directeur ? Là aussi il lui avait confié qu'il n'avait pas de chevaux mais que ça n'avait pas d'importance tant qu'il s'occupait de tous les autres ici. Enfin, le dire au haut gradé des lieux, c'était une chose. Mais à un simple résident...

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Camille le savait très bien. Il n'allait pas pouvoir s'occuper de la jument pour le reste de sa vie. Mais le fait de l'entendre de la bouche de son interlocuteur ne sonnait pas pareil. Lui aussi partirait un jour, il ne savait pas quand, mais il n'allait pouvoir rester ici. Mais, une chose était sûre, la jument serait remise bien avant lui ... Un air un peu triste passa sur son visage, chasser par la réponse suivante de Jérémie.

D'ailleurs, ce qu'il dit sur le propriétaire de Vagabone inquiéta un peu Camille. Il savait très bien qu'il n'avait aucune légitimité à dire ce qu'il allait dire, mais il fallait que ça sorte.

« Non mais sans ça … Je sais que c'est une championne et je me doute que son propriétaire en ait pleinement conscience aussi, mais c'est aussi une très gentille jument … Elle n'est pas juste une machine à gagnée, elle est aussi elle … Elle aime faire des trucs de cheval … et elle adore les pommes … Tu crois qu'il le sait ça, lui ? »

Est-ce que Camille s'était un peu emporté ? Sans aucun doute. Il avait pleinement conscience que quoi qu'il dise cela ne changerait rien. Et il ne pouvait pas affirmer devant le palefrenier qu'il connaissait mieux la jument que le type qui la possédait. Mais il n'avait pas pu s'en empêcher. Il ne pouvait accepter que l'on colle à Vagabone la seule étiquette de jument de course alors qu'elle était bien plus … Camille n'aimait pas les étiquettes, pour personne ...

Effectivement ce que venait de dire Jérémie en répondant à sa question sur le fait qu'il soit propriétaire ou non, tombait sous le sens. Même Camille qui s'occupait de Vagabone depuis si peu de temps la considérait déjà comme un peu à lui. Alors c'était évident qu'un palefrenier qui prenait soin de tout les équidés ici considère la chose de la même manière.

« Ah oui … Ma question était bête. C'est logique vu que tu t'occupes de tout le monde ici. Ça doit être dure parfois, non ? Quand les chevaux partent … ou que les propriétaires ne font pas les choses comme il faut ? »

Le blond continuait à brosser sa jument tout en alimentant la conversation avec Jérémie. D'habitude il n'était pas d'un naturel bavard. Enfin, si, mais il exploitait rarement ce trait de sa personnalité. En général, cela tournait toujours sur une lutte pour prouver par A+B qu'il avait raison. Et non pour simplement discuter avec une personne calmement.

« Ça fait longtemps que tu travailles ici ? Ça ne te gène pas de devoir côtoyer des gamins … euh … je sais pas trop comment nous désigner, nous les résidents … de manière correcte. »

Camille rit un peu gêné. Il ne voyait pas comment il pouvait regrouper en un terme général la diversité des personnes qui bénéficiaient du programme d'Almara. Car le peu de gens avec qui il avait pu discuter était tous totalement différent de ce qu'il avait pu voir.

Temps mort

Camille

Les résidents ne restaient pas éternellement à Almara. Pas plus que les chevaux. Enfin, que la majorité des chevaux. Une fois qu'ils étaient tirés d'affaire, chacun d'eux devait reprendre le cours de sa vie où il l'avait laissé. Pour Jérémie, ça avait été une autre pair de manche. Il avait laissé sa vie dans la rue, forcément, il ne l'avait pas reprise là-bas. A sa sortie d'Almara, il s'était bien demandé quoi faire de son existence et s'était sentit délaissé à la fermeture du domaine, incapable de s'en défaire. Heureusement que Jacques avait croisé sa route, l'avait hébergé et trouvé une autre raison de vivre auprès de son vieux club équestre. Pendant dix ans, le jeune homme avait tenu le coup grâce à lui en attendant la réouverture d'Almara. Mais si le domaine n'avait jamais rouvert, que serait-il devenu...?

Le garçon d'écurie haussa les épaules. Il ne connaissait absolument pas le propriétaire de la jument. Il ne savait pas du tout s'il lui portait un autre intérêt que celui de l'argent, s'il l'aimait vraiment, s'il la garderait quoi qu'il advienne même si elle ne pouvait plus courir...Jérémie était tout sauf un esprit optimiste. Il avait le mépris envers la société alors aurait bien envie de répondre à Camille par la négation. Mais bon, quand on ne savait pas, mieux valait se taire. C'était aussi une chose qu'il avait apprit ici. A l'autre question du blond, le jeune homme devait bien admettre qu'il avait sentit une légère boule se former au fond de son estomac. Il se revoyait, adolescent, assister au départ du fougueux cheval brun duquel il s'était occupé durant toute l'année. Duquel il avait appris à faire confiance, et à faire en sorte à ce qu'on lui fasse confiance. Cet impétueux étalon qui jadis faisait son sauvage dans les prés, il le revoyait monter docilement dans le van comme si jamais il n'avait posé de problème auparavant. Et pour le jeune garçon qu'il avait été à l'époque, ce retrait lui avait fait réellement mal. Ce cheval avait été le tout premier à lui avoir accordé de l'amour dans sa vie.

- C'est comme ça que les choses se passent de toute façon, répliqua t-il alors en détournant le regard, que ce soit dur ou non, ça change rien. A quoi bon se poser la question ?

Oui, c'était frustrant aussi quand c'était les propriétaires qui étaient en faute. Mais au moins, pour les cas où ils étaient de vrais bons à rien, les chevaux ne retournaient pas là-bas où on savait qu'on ne s'en occuperait pas convenablement. Bon sang, que ce gosse était curieux mine de rien. Toutes ces questions...Pourquoi il les posait ? En quoi ça pouvait bien l'intéresser ? Jérémie n'avait pas pour habitude qu'on s'intéresse à ses avis, à ses pensées, à ses ressentis. Preuve à l'appuie avec le directeur qui n'en avait rien eut à faire de ses inquiétudes pour Vanilla.

- Depuis que ça a réouvert, répondit alors le jeune homme dans un soupire, et mon boulot n'est pas de m'occuper de vous.

Pas sur papier mais il était vrai que, parfois, il n'avait pas le choix. Cela était compté avec lorsqu'il devait en aider certains comme il l'avait fait avec Camille à son arrivée. Le palefrenier s'accouda alors à la porte du box, scrutant le résident.

- T'en pose de ces questions, lança t-il, en quoi ça peut bien t'intéresser ?

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En effet, les choses devaient se passer comme ça. C'était comme ça que fonctionnait Almara. Mais, ce n'est pas pour ça que Camille avait envie d'accepter l'idée sans rien dire. Dans sa tête il se disait qu'il aurait du moins s'attacher à Vagabone, pour que son départ soit moins blessant. Mais au fond de lui il savait qu'il en était incapable. Il avait besoin de s'accrocher à quelque chose qui en vaille la peine. Et ce quelque chose c'était elle.

Leur conversation poursuivit son cours et Camille hochait la tête quand Jérémie répondit à sa question et il sourit quand ce dernier lui précisa qu'il ne s'occupait pas des résidents.

« Non, mais quand je disais tout le monde, je parlais des chevaux. Nous, c'est monsieur Hayes et les autres psy qui s'occupent de nous soigner. »

Soigner était peut-être un bien grand mot. Mais tous les résidents ici passaient par de longues heures de thérapie, Camille en avait déjà subi plusieurs. Est-ce que ça l'aidait … Il n'en était pas vraiment sûr, il détestait parler avec les psychologues en générale. Il n'arrivait pas vraiment à leur faire confiance, pourtant, il n'avait pas de mauvaises expériences avec l'un d'eux. Mais quelque chose au fond de lui l'empêchait de s'ouvrir à eux.

Après tout, pourquoi ferait-il plus confiance à des inconnues qu'à ses propres parents ? Et vu ce que ses aveux avait donné côté parents, il n'avait vraiment pas envie de revivre ça avec d'autres. Alors il parlait de beaucoup de choses … mais il y avait certains points qu'il n'avait toujours pas envie d'aborder pour le moment.

Camille sortit de ses pensées quand Jérémie lui demanda pourquoi il posait autant de questions. Cela laissa le jeune homme un peu circonspect. Il arrêta de brosser sa jument un instant et regarda Jérémie, un air franchement interrogatif sur le visage.
Pour l'avoir surpris, la question du palefrenier l'avait vraiment étonnée. Au point que Camille réfléchit un petit moment avant de lui apporter une réponse. C'est vrai que rien ne l'obligeait à discuter avec son interlocuteur, surtout que ce dernier lui avait bien dit qu'il avait autre chose à faire … Alors pourquoi ?

« Euh … rien, je fais juste la conversation. Et je suis curieux, peut-être un peu trop … Enfin, si mes questions te dérangent, je peux arrêter. »

Camille reprit le pansage de sa belle, continuant toujours à réfléchir.

« C'est juste que je préfère parler avec les adultes. Enfin, non pas vraiment. En fait, je n'aime pas vraiment discuter et je me force parce que j'ai pas vraiment l'habitude de ce genre d'échange. Personne ne discutait avec moi avant, parce que je suis un vrai con aussi, il faut être honnête. Mais, je ne sais pas pourquoi, j'aime bien parler avec toi. Tu es cool. »

Se sentant pas mal gêné par ce qu'il venait de dire, Camille se baissa pour nettoyer les membres de sa jument, évitant de poser son regard sur le palefrenier accoudé à la porte.

Temps mort

Camille

Jérémie ne pouvait pas blâmer les résidents de s'attacher aux chevaux. Car, en fin de compte, c'était un peu le but de la manoeuvre. En gagnant confiance aux chevaux, en apprenant à les aimer, à s'en occuper, c'était aussi ainsi que les pensionnaires se soignaient. C'était ainsi que lui-même s'était calmé, qu'il avait cessé d'être un sale gosse. Tout ceci grâce à un unique cheval. Le jeune homme en sera toujours redevable aux chevaux pour ça. Au moins, l'adolescent n'avait pas mal pris lorsque le garçon d'écurie lui avait lancé de but en blanc qu'il ne s'occupait pas des résidents. Mais il avait surtout répondu ça en rapport avec le fait qu'il devait côtoyer les pensionnaires malgré tout. Dieu merci ce n'était pas à lui de les prendre en charge !

En entendant le blond parler de se faire soigner, la question de sa présence à Almara revint dans l'esprit du garçon d'écurie un instant. Il était vrai qu'il n'avait toujours rien su déceler chez lui qui semblait démontrer un quelconque trouble. Bon, après Jérémie n'était pas psy non plus et n'avait pas l'oeil pour ça. Si ça se trouve, il avait la réponse sous le nez sans s'en rendre compte. A bien y réfléchir, lui-même ne s'était jamais considéré comme malade à l'époque. Il était là pour des soucis de comportement et d'intégration mais rien de médicalement parlant. Quoi que, sans doute avait-on dû appeler son cas comme résultat d'un traumatisme ?

***

Juillet 2007,

Le crépuscule s'annonçait. Le silence était revenu subitement aux abords de la Seine. Il y avait eu tellement d'agitation, de violences, de cris. Et puis d'un coup, plus rien. Les caravanes se tenaient là, immobiles. Et leurs propriétaires, qui étaient figés d'effroi, restaient plantés là, sans savoir quoi faire devant ce qui venait de se produire. Cet homme, ce parfait inconnu, venu tout droit du coeur de la ville, avait pris la fuite, sa jambe ensanglantée, devant l'adolescent qui reprenait son souffle du déchaînement de force dont il venait de faire preuve contre lui. Sa mère adoptive avait mis une main devant sa bouche, incapable de dire quoi que ce soit.

- Qu'as-tu fait...? s'étrangla la femme.

C'était bien de la peur qui se lisait dans son regard. Le gamin de treize ans tourna son attention sur elle. Tous les autres tziganes exprimaient soit crainte, soit haine, mais ne dirent mot.

- Il nous voulaient du mal, répondit-il, assez outré de cette réaction, fallait bien que je fasse quelque chose. Je t'ai protégé !

Personne d'autre ne voyait les choses de cette façon. Quand l'adolescent avait fait un pas en avant, il vit, désemparé, sa mère en faire un en arrière.

- Tu es dingue, lança un homme.

- Naya, tu n'aurais jamais dû le prendre avec toi ! ajouta une femme de la communauté.

- Qu'est-ce que vous racontez ? lâcha Jérémie, plus que déconcerté.

- Filons d'ici avant que la police n'arrive, poursuivaient les autres du groupe.

- Dépêchons-nous et ne revenons plus jamais dans cette ville !

Sans plus attendre, tout le monde s'affaira à retourner dans leur véhicule, récupérant à la va vite un minimum d'affaire. Aussitôt, les caravanes démarrèrent pour quitter le coin une par une. Jérémie s'avança alors vers la sienne et vers Naya, mais celle-ci, avant de monter, lui fit face et le stoppa d'un geste de la main.

- N'approche pas, lança t-elle.

Le garçon se figea.

- Maman...fit-il, comment ça ?

Il ignorait comment interpréter l'expression qu'elle avait en ce moment. Serait-ce de la déception ? Du mépris ? Un mélange des deux ? La femme ne répondit pas de toute manière. Elle se contenta de monter à bord de son véhicule.

- Qu'est-ce que tu fais...? insista le garçon, tu ne vas pas me laisser ici ?

Mais il n'y eu toujours aucune réponse. La caravane démarra, la femme au volant ne regardait déjà plus l'adolescent alors qu'elle fit faire demi-tour à son véhicule pour suivre tous les autres qui étaient parti vers le soleil couchant. Désespéré, et perdu, Jérémie resta immobile, observant, impuissant, ce défilé qui s'éloignaient de lui jusqu'à disparaître au loin. Ils étaient partis. A jamais. Le garçon y croyait à peine. Ce n'était pas possible, cela ne pouvait pas être vrai ! Pendant un moment, tout ceci lui parut juste impossible et irréel. Il espérait un miracle. Qu'une caravane revienne le chercher, qu'il puisse se laver de tout ce sang sur lui et qu'il passe à autre chose. Mais rien. Et il n'eut pas même le temps d'y réfléchir plus que des sirènes de police le fit redescendre brutalement dans la réalité. Il sursauta. Il ne pouvait pas rester ici. Aussi, il décampa immédiatement.

***

La réponse du blond sortit le palefrenier de ses pensées. Oh si les questions du résident l'ennuyaient de trop, il saura bien s'en défaire sans le moindre tact. Ce n'était pas un problème pour lui. Le garçon d'écurie lui avait demandé ça surtout pour savoir à quoi ça pouvait bien l'amener de le questionner de la sorte. Niveau tolérance, par chance, le pensionnaire n'avait pas encore atteint les limites du palefrenier dans sa patience.

- "Cool" ? répéta le jeune homme comme si Camille venait de dire la chose la plus absurde du monde.

Mais il reprit le silence sitôt après, se repassant dans son esprit ce qui avait été dit avant. Ils avaient le non désir de la conversation en commun. Mais au moins le résident faisait des efforts de ce côté là, il se forçait à communiquer avec les autres là où Jérémie faisait autant d'effort pour l'éviter. Lui non plus n'avait pas l'habitude de ce genre d'échange et cela se voyait aisément dans le silence qu'il menait actuellement devant l'excès de sincérité dont venait faire preuve l'adolescent. Hm...Ce n'était qu'un ignorant. S'il été au courant de ce qu'avait fait le palefrenier dans son passé, il ne le trouverait plus cool du tout ! Peut-être même le fuirait-il d'ailleurs. Bien que la franchise de Camille le mettait mal à l'aise, Jérémie décida toutefois de le laisser dans l'ignorance.

- Pourquoi tu es à Almara ?

Voilà un moment que cette question voulait sortir.

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" Pourquoi tu es à Almara ? " Ces mots raisonnèrent un petit moment dans la tête de Camille alors qu'il relevait un regard à la fois surpris et apeuré vers le palefrenier. Pourquoi lui posait-il cette question ? Pourquoi maintenant ? Il comptait vraiment avoir une réponse ? Une vraie réponse ? Avait-il le droit de poser ce genre de question aux résidents ? Et lui avait-il envie d'en parler ? Non, ça c'est sûr qu'il n'en avait pas envie ... Mais il avait son petit discours prêt à l'emploi pour ce genre de situation, alors tout se passerait bien non ? Ou alors Jérémie verrait qu'il ne disait absolument pas la vérité et Camille passerait pour un menteur ...

Il finit par baisser les yeux, se relevant et se calant à l'arrière du box ... Le plus loin possible de la porte. Croisant ses bras devant lui comme pour se protéger de la réaction du palefrenier. S'il ne disait rien, Jérémie ne pourrait pas le deviner. Alors il n'y avait pas de soucis ... Le cœur du résident battait à toute allure. Il avait peur, c'était pourtant tellement plus simple d'en parler avec les médecins ... Mais eux, au moins, été régit par le secret médical ... Là ... Il n'y avait aucun filet ... Le blond avait l'impression que ses jambes allaient lâcher pourtant ... Ce n'était pas si compliqué que ça d'ouvrir sa bouche, juste pour prononcer quelques simples mots ... Il avait seulement à sortir sa version habituelle et tout se passerait bien. Normalement après ça les gens ne cherchaient pas plus loin et le laissaient tranquille. Une demi-vérité suffisait toujours au curieux basique.

" J'ai fugué de chez mes parents ... et quand j'ai dû me débrouiller tout seul, dehors ... J'ai laissé des gens me toucher contre un peu d'argent. "

Camille essayait de garder la face, affichant un air de façade des plus détaché, mais il transpirait la peur. Il avait peur que Jérémie pose plus de questions, qu'il demande les raisons de sa fugue. Là, ça serait beaucoup plus difficile de mentir. Mais il avait aussi peur que sa réponse ne lui plaise pas, qu'il le trouve dégoutant ... Camille savait qu'il l'était de toute façon, que personne ne pourrait l'apprécier après ce qu'il avait subi et fait ... mais c'était plus facile de l'ignorer. Il voulait seulement rester l'adolescent ingrat qui avait quitté son foyer et fait des conneries. Il préférait cent fois plus renvoyer cette image que celle du gamin boulimique qui c'était fait violé par son entraîneur et dont les parents n'en avaient que faire.

" C'est ... c'est pas très glorieux. Excuse-moi ... "

Il grimaça. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas évoqué ça et même s'il ne disait pas tout, cela ne l'empêchait pas de se sentir mal. Peut-être qu'après ça Jérémie ne voudrait plus lui parler ... Il l'aurait bien mérité après tout ... ça lui apprendra à vouloir essayer d'interagir avec d'autres personnes ...

Temps mort

Camille

Avait-il le droit de demander ça aux résidents ? En vérité, Jérémie ne le savait pas du tout. Il n'avait encore jamais posé cette question à un pensionnaire d'ailleurs et devant la réaction visiblement angoissée du blond, il comprenait pourquoi. Ce n'était sans doute pas une chose à demander. Il ne le regrettait pas pour autant. Il avait juste été curieux sur le moment, mais la réponse à cette interrogation n'avait aucune importance pour lui. Il n'en voudrait pas à Camille de ne pas vouloir répondre. L'attitude de l'adolescent porta Jérémie dans l'incompréhension. Pourquoi il allait tout au fond ? Avait-il peur de lui ? Quoi déjà ? Alors qu'il ne savait encore rien du palefrenier ? Eh ben, mieux valait vraiment que Jérémie garde ses jeunes années dans le secret sinon il risquait de provoquer une syncope chez ce garçon ! Ou alors il agissait ainsi pour faire comprendre en silence qu'il n'avait pas envie de lui répondre. Ce qui était un choix. Un peu lourdingue cela dit aux yeux de Jérémie qui aimait bien qu'on soit clair sur les choses. Si Camille voulait pas parler, qu'il le dise franchement, ça serait déjà plus utile.

- Si tu veux pas répondre, dis-le c'est tout, lança alors le jeune homme en manque de patience tout en s'ôtant de la porte du box, ce n'était qu'une question.

Mais après un moment de silence, et alors que l'homme était sur le point de rebrousser chemin, le blond finit malgré tout par énoncé les faits. Comme attendu, Jérémie ne lui prêta qu'une oreille vaguement intriguée. Il savait que certains pensionnaires pouvaient être présent pour des choses vraiment graves. Il s'attendait un peu à tout du coup. Cela dit, cette réponse était un peu...faible. Ou alors il n'y connaissait vraiment rien. Mais il ne voyait pas trop le rapport entre ce qui était arrivé au garçon et Almara. A moins que ce soit ça le traumatisme, le fait d'avoir "vendu" son corps en tant que mineur ? Ou alors les autorités n'avaient pas trop su quoi en faire d'autres ? Jérémie savait ce que c'était que de vivre dans la rue. Camille avait opté pour une solution particulièrement abaissante à sa situation, là où Jérémie n'avait usé que de violence pour parvenir à ses fins.

- Il n'y a rien de glorieux à finir à Almara, répliqua alors le jeune homme.

Que ce soit pour une raison ou pour une autre, si on y était, ce n'était certainement pas avec dignité. Le palefrenier ne se posait même pas la question de la fugue. La société était méprisante et il était prêt à tout comprendre comme raison pour faire une fugue. En revanche, jamais il n'aurait autorisé qu'on pose la main sur lui, même pour de l'argent. Il avait préféré semer la peur plutôt que de la subir.

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Ce n’était peut-être qu’une question, mais il y avait des questions auxquelles il était plus difficile de répondre que d’autre. Peut-être qu’après son séjour ici, Camille arriverait à en parler plus librement de ce qui lui était arrivé. Mais pour l’instant, c’était problématique, voire même un peu plus que ça.

Puis finalement, il cracha le morceau. Est-ce qu’il se sentait mieux après ? Non, absolument pas. Mais au moins il l’avait dit. Il regarda Jérémie, se demandant ce que ce dernier pensait de lui. Mais il n’arriva pas à voir, et de toute façon, il n’était pas vraiment sûr de vouloir savoir. C’était la première personne avec qui il discutait de ça, autre qu’un de ses soignants. C’était bizarre … Mais pas insurmontable.

Camille sourit tristement à la réplique du palefrenier.

« C’est toujours mieux que de finir en prison, en hôpital psychiatrique ou au cimetière, non ? »

Pour le garçon, l’option qu’il privilégiait pour lui était l’hôpital psychiatrique. Il avait très bien conscience qu’il n’aurait pas pu continuer comme il le faisait bien longtemps. Enfin, sans se mettre en danger ou se faire du mal. Il avait pourtant tenu le coup comme il le pouvait, mais si rien n’avait changé, combien d’autres rencontres avec son coach aurait-il pu encaisser ? Comment aurait-il géré la pression que ses parents lui infligeaient ? Au final, il ne pouvait pas rêver mieux qu’Almara pour lui. Il espérait juste qu’il ne décevrait personne ici, et que, quand il sortirait d’ici il pourrait reprendre une vie normale.

Enfin … Il l’espérait.

« On peut changer de sujet, s’il te plaît ? »

Il sourit gentiment au palefrenier comme pour s'excuser et enchaîna sur un sujet qui le mettait beaucoup plus à l’aise. De toute façon, n’importe quel sujet lui allait, tant que l’on n’abordait pas des choses trop personnelles pour lui, tout lui allait.

« Tu crois que je peux sortir Vagabone de son box et lui faire faire le tour de l’écurie en main ? Juste pour qu’elle voit autre chose que ce bâtiment. »

Cela faisait un moment que cette question lui trottait dans la tête. Il se disait qu’à rester tout le temps dans son box, elle devait s’ennuyer. Alors il ne perdait rien à demander.

Temps mort

Camille

Jérémie hocha doucement la tête. Oui, Almara était sans doute mieux que tout ça. C'était aussi ce que c'était dit le jeune homme à l'époque, quand on lui avait proposé cette alternative à l'enfermement pour les jeunes dans son genre. Et il ne regrettait clairement pas son choix. Bien sûr, à la base, il avait fait ce choix dans l'espoir de pouvoir s'évader de là facilement. Finalement, il avait été happé par l'atmosphère des lieux. Soudain, l'adolescent demanda à changer de sujet. En guise de réponse, le palefrenier se contenta d'un hochement d'épaule, peu conscient du trouble qu'il imposait au blond en ayant lancé le dit sujet peu agréable. Mais en soit, il avait eut sa réponse au bout du compte alors pourquoi s'attarder ? La conversation revint donc sur Vagabone et Jérémie adressa un regard à la jument. Etait-elle déjà en mesure de faire plus d'effort ? En vérité, il y avait une autre question plus préoccupante que celle-là.

- Et tu pense pouvoir la tenir ?

Vagabone, de ce qu'il avait pu constater tout à l'heure alors qu'il était seul à seul avec elle, ne s'en sortait pas trop mal avec sa tendinite même si le garçon d'écurie n'avait pas un regard assez professionnel pour s'en assurer. Seul un vétérinaire pouvait sans doute décrire avec certitude l'état actuel de sa blessure. Cependant, Jérémie avait tout de même un oeil affûté concernant le bien-être des chevaux. Il avait bien vu que la jument prenait plus confiance en sa jambe blessée, pouvait s'appuyer dessus et semblait moins gênée qu'avant. Selon le palefrenier, elle était sur la bonne voie, et allait mieux. Toujours selon lui, quelques pas dehors ne pouvaient pas lui faire de mal. Cependant, elle sera sans doute excité à l'idée de sortir enfin et pourrait être difficile à manœuvrer pour un novice comme Camille. Même un simple tour de l'écurie pouvait rapidement se changer en catastrophe si on tenait mal la jument durant sa sortie.

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Camille finit par se décoller du mur du fond et se détendit un peu. Parler de Vagabone était quand même beaucoup plus agréable pour lui. Et la question du palefrenier eut pour effet de le faire réfléchir un instant.

« La tenir … euh oui. Enfin, quoi qu'il arrive je ne la lâcherais pas, si c'est ce qui t'inquiète. Et puis, si elle remue un peu il faut bien que j'apprenne à me débrouiller, non ? Il y a bien un moment où je ne pourrais plus me contenter de juste lui mettre de la crème sur sa jambe et la nourrir. Non ? »

Alors qu'il disait ça, Camille, ne pouvait s'empêcher d'avoir un peu d'appréhension. Il n'avait pas oublié que Vagabone était un cheval de course et dans sa tête il voyait très bien les images d'avant-course qu'il avait vu à la télé. Et ce genre de chevaux était souvent … remuant, voire même explosif. Il caressa l'encolure de la jument, se demandant si elle était pareille ...

« Enfin, je veux pas non plus la mettre en danger en faisant une bêtise. Donc si tu crois que ça ne va pas bien se passer, on peut attendre. C'était juste une question. »

Le blond aurait peut-être dû se taire. Il était tellement pressé de changer de sujet qu'il n'avait pas vraiment fait attention à ce qu'il demandait. Il voulait vraiment la sortir, mais il aurait préféré que ça soit dans l'autre sens que cela se passe. Que quelqu'un '' d'officiel '' lui donne la permission, pas qu'il précipite les choses par une malheureuse question.

Voilà ce que c'était de parler sans réfléchir. D'une situation très embarrassante, il s'était jeté dans une toute autre. Avec un peu de chance, peut-être que Jérémie dirait non et que tout rentrerais dans l'ordre. Car s'il se foirait, il n'y avait pas que lui en jeu … Il était aussi responsable de sa jument.

« En fait, oublis Jérémie. C'était une mauvaise idée. J'aurais pas dû te poser la question. »

Décidément, la conversation qu'il avait eut précédemment l'avait plus perturbé que prévu. Il ne revenait pas aussi facilement sur ses décisions d'habitude. Mais là, il ne se sentait à la hauteur de rien. Il y avait des jours comme ça ...

Temps mort

Camille

Jérémie opina du chef. Camille devra tôt ou tard passer au niveau supérieur avec sa jument, c'était indéniable. La vraie question était de savoir si ce moment était venu ou non. La jument avait eut le temps de connaître Camille et vice-versa et Jérémie ne voyait ainsi pas trop de raisons de refuser. Ses doutes allaient probablement à Camille uniquement, parce que le palefrenier avait tout de même du mal à faire confiance aux autres. A vrai dire, il ne le faisait que parce qu'il n'avait pas le choix, parce qu'il fallait confier ces chevaux souffrants à ces jeunes. Néanmoins, à choisir, le garçon d'écurie pouvait sans conteste dire que de tous les pensionnaires présents à Almara, le jeune blond était de loin celui qui lui paraissait le plus fiable.

"C'était juste une question" Oh, c'était la balle qu'il retournait à l'envoyeur dis donc. Jérémie esquissa un léger sourire. C'était sans doute mérité oui. Le regard du palefrenier revint un temps sur la jument. Et alors qu'il pesait le pour et le contre dans son esprit, l'adolescent l'interpella à nouveau, préférant faire comme s'il n'avait rien demandé. Mais Jérémie, les bras croisés, faisait lui comme s'il n'avait pas entendu ce retour de décision.

- D'accord, fit-il, et je vais t'accompagner pour être sûr que rien de fâcheux n'arrive.

Il ne comptait pas lui tenir la main. Ce sera au blond de se débrouiller avec le licol et la prise en main de l'animal. Finalement, Jérémie ne sera qu'un fantôme, simplement prêt à intervenir en cas de soucis qui pourrait mettre en péril la santé de Vagabone.

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Camille regarda Jérémie les yeux écarquillés. Non, c’est vraiment vrai ? Il venait vraiment de dire oui ?

« Tu déconnes ? »

Aïe … ce n’était pas une façon très respectueuse de s’adresser à un adulte. Le blond grimaça.

« Excuse-moi … ça m’a surpris, je n’aurais pas dû m’adresser à toi comme ça. Donc je peux vraiment la sortir ? Cool ! Euh ... oui ... Je … je vais chercher son licol et je reviens. »

Camille réussit à contenir son enthousiasme en sortant calmement du box de la jument et un ne courant pas dans l’écurie. Par contre, dès qu’il fut sorti, il courut jusqu’à la sellerie pour récupérer le licol de Vagabone dans sa malle et revint tout aussi rapidement auprès de sa jument et de Jérémie.

Le blond prit quelques instants pour se calmer entièrement avant de rentrer à nouveau dans le box de la jument. Il lui passa le licol autour de sa tête, maladroitement, mais entre le manque d’habitude et l’excitation du moment le jeune homme avait un peu de mal. Il régla le licol comme on lui avait appris, ni trop lâche, ni trop serré et vérifia que tout était en place.

« C’est … c’est bon … Je suis prêt. »

Camille avait un sourire radieux. Il avait maintenant complétement oublié ses doutes. Il regarda sa jument et lui caressa doucement l’encolure. Il ouvrit la porte de box et la fit sortir de ce dernier. Elle se précipita un peu au passage de la porte, mais ne bouscula pas Camille pour autant. Le blond avait légèrement les mains qui tremblaient sur la longe. Mais pas de peur, non, absolument pas. C’était la première fois qu’il sortait sa jument de son box et il n’en revenait pas vraiment de pouvoir faire ça.

« Je suis trop excité … Mais en même temps un tout petit peu flippé. Tu restes à côté ? »

Vagabone gardait sa tête haute, apparemment elle aussi excitée de mettre les sabots dehors. Ses naseaux étaient dilatés, et ses oreilles bougeaient dans tous les sens. Camille gardait une main sur la longe et une sur l’épaule de la jument pour la rassurer. Elle paraissait beaucoup plus vive qu’entre les 4 murs de son box, d’ailleurs elle hennit bruyamment repris en écho par certains de ses voisins.

Camille se remit dans une bonne position sur sa longe, une main sous la tête de la jument, l’autre tenant le flot de la longe, puis il se tourna vers Jérémie.

« On y va ? »

Temps mort

Camille

La réponse de Jérémie fut une grande surprise pour le résident qui avait peine à en croire ses oreilles, fixant le palefrenier les yeux ronds comme des soucoupes. Certes, il avait tenu un ton...assez nouveau pour Jérémie qui ne s'y était pas attendu du tout. Mais il ne s'en offusqua pas pour autant. Il se retrouvait davantage dans les expressions les plus familières de toute façon.

- Juste un peu, se contenta t-il de répondre devant la nervosité apparente du résident.

Il suivit le blond du regard tandis que ce dernier s'éloignait du box pour sortir du bâtiment. Lorsqu'il eut disparu dans la lumière du jour, le garçon d'écurie rapporta son attention sur la jument blanche qui avait dû se douter de quelque chose puisqu'elle avait relevé la tête.

- Toi, essaie de ne pas faire de folie, lança le jeune homme à l'animal dont une oreille avait pivoté dans sa direction.

Les pas hâtifs se rapprochant rapidement signalèrent à Jérémie le retour empressé de Camille. Le palefrenier avait la nette impression d'avoir accorder une sorte de cadeau au résident en lui donnant l'autorisation d'emmener la jument hors de son box. En tout cas, ce dernier avait au moins retenu quelques leçons sur les bases de la manipulation équestre, lorsque Jérémie l'observait poser le licol à Vagabone, les bras toujours croisés. Ses yeux bleus suivaient chaque geste de l'adolescent qui s'assuraient de la bonne installation du licol, aussi ravi que s'il accomplissait un rêve trop longtemps enfoui.

- Alors vas-y, lança Jérémie en s'écartant du box pour les laisser sortir.

Comme il l'avait prédit, Vagabone partageait cet enthousiasme et semblait tout autant ravie de pouvoir enfin marcher plus loin que sa litière. Le son de ses sabots sur le béton du sol résonnaient dans l'écurie.

- Je suis pas loin, assura Jérémie à Camille, mais tu devrais attendre d'être plus calme avant de continuer. N'oublie pas que tu insuffles tes ressenties à ta jument et cette excitation n'est pas bon pour elle.

Le jeune homme restait en retrait des deux autres, observant à tour de rôle le pensionnaire et l'équidé. Il attendit que Camille se sente assez prêt pour se lancer et lorsque ce dernier l'interrogea sur la question, Jérémie approuva d'un signe de tête.

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Camille avait le souffle coupé d’enfin voir sa jument en dehors de son box. Elle était tout aussi magnifique, voir même plus. Mais elle paraissait beaucoup plus à fleur de peau. Était-ce seulement parce que Camille était lui aussi nerveux ou elle aussi avait un terrain propice à ça ? Si c’était le cas, à eux deux, ils allaient faire une sacrée équipe.

Mais avant de se lancer dans leur balade du jour, Jérémie suggéra à Camille de se calmer avant. Et effectivement, ce n’était pas la première fois que ce dernier lui disait que ses émotions influençaient le comportement de son cheval. Il avait eu lui-même la preuve de ça, alors, il prit une grande inspiration. Puis, il souffla doucement pour faire descendre son rythme cardiaque et essayer de calmer ses tremblements. Il savait gérer son stress quand il était en compétition, bon, dans d’autres domaines, il n’y arrivait tout simplement pas. Mais là, il fallait qu’il se concentre et qu’il fasse le vide, il n'y avait pas que lui dans l'équation. S’il ne pensait à rien, cela serait beaucoup mieux pour sa jument.

« Je crois que c’est bon. »

Camille paraissait maintenant un tout petit peu plus calme, du moins en apparence. Il n’avait pas réussi à calmer son cœur qui tambourinait toujours autant. Il sourit à Jérémie et commença à avancer dans l’écurie.

Le blond jetait des coups d’œil à sa jument toutes les cinq secondes. Vagabone gardait la tête haute, la tournant vivement de temps en temps vers certains chevaux qui osait tendre leur tête vers elle, faisant de très légers écarts pour se soustraire à leurs naseaux.

Pour être remuante, elle l’était. Camille n’avait jamais remarqué que le couloir central de l’écurie était aussi long. Mais même s’il était un peu inquiet de son comportement, il ne pouvait s’empêcher de la trouver magnifique. Elle semblait danser …

« Tout doux Vagabone, ne va pas te faire mal. »

Bon, là, les choses sérieuses allaient commencer. Ils allaient sortir tous les trois de l’écurie. Par inquiétude, Camille resserra ses mains sur la longe. Il n’avait aucune idée de comment elle allait réagir. Et doucement son stress remonta. Il avait du mal à la gérer elle et son inquiétude à lui en même temps. Il faisait de son mieux, mais c’était compliqué.

Dès qu’ils franchir tous les deux les portes, Vagabone fit un écart un peu plus violent que les simagrées qu’elle faisait à l’intérieur. D’ailleurs, cette fois elle ne resta pas sagement derrière Camille, elle le doubla un peu vivement, se mettant face à lui. Et regardant, inquiète autour d’elle. Ça bougeait beaucoup, il y avait des résidents, d’autres chevaux et surtout plein d’espace vert à perte de vue. Loin de se calmer, elle se mit à tirer sur sa longe vers le haut, la tête complétement en l’air. Camille s’accrochait à la longe comme si sa vie en dépendait, mais pour le coup il était aussi effrayé qu’elle.

« Je suis pas sûr qu’elle soit vraiment très calme là … Je … je dois faire quoi ? Elle a peur, non … ? Dou ... doucement Vagabone … ça va aller … »

Temps mort

Camille

La nervosité de l'adolescent se transmettait aisément à la jument. Celle-ci devait prendre ça pour un sentiment à partager, tous deux étant en joie d'une promenade, elle pensait devoir en faire autant. Mais l'équidé était aussi un animal de sport, elle était nerveuse de base, surtout depuis sa convalescence. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle réagisse de cette manière. Il ne fallait simplement pas la laisser faire, parce qu'elle ignorait les risques qu'elle courait et qu'il fallait lui faire comprendre qu'elle aura droit à sa promenade de toute manière, que ça ne servait à rien de s'agirait pour ça. Jérémie restait aux aguets et le blond écoutait ses conseils pour les appliquer. La tension semblait effectivement avoir baissé d'un cran.

- Ne la regarde pas, ajouta t-il en suivant le duo de loin mais remarquant les coups d'oeil du jeune homme sur l'équidé, tu dois avoir confiance en elle et ne pas la caler au centre de l'attention. Il faut rester naturel comme si vous faisiez ce genre de sortie depuis toujours.

Le palefrenier gardait aussi un oeil sur la jument, de façon discrète. Pour le moment, celle-ci se montrait curieuse et hâtive, particulièrement enthousiaste. Mais sitôt dehors, elle s'emballa un peu plus. Elle fit face au garçon avant de se débattre sur sa longe devant un adolescent quelque peu dépassé par les événements. Jérémie, qui ne s'était pas agité pour un sou, n'avait cependant rien manquer de la scène. Au fond de lui, il avait envie de réagir, d'aller reprendre les choses en main et de tout résoudre d'un claquement de doigt. Mais ça ne serait pas rendre service à l'un ou à l'autre. Camille devait apprendre à gérer les humeurs de sa jument sinon on serait obligé de lui tenir la main à chaque sortie et ce n'était pas le but de la manoeuvre.

- Reprends le contrôle, ordonna le garçon d'écurie d'une voix ferme mais sans hausser le ton le moins du monde.

Le but n'était pas d'angoisser d'avantage l'adolescent en lui hurlant dessus après tout.

- Elle a sentit que tu faiblissais, ajouta t-il en s'arrêtant non loin d'eux, prouve-lui que tu sais ce que tu fais et qu'elle n'a pas à s'en faire. Resserre ta prise avec calme. Essaye plusieurs fois s'il le faut. N'élève pas la voix et reste maître de tes émotions. Ne la caresse que si tu remarque qu'elle se calme. Ne tire pas sur la longe, elle a besoin de voir ce qui se passe autour d'elle pour se rendre compte qu'il n'y a rien à craindre. Dès qu'elle se relâche, reprends tout de suite la marche au calme comme si rien ne s'était passé.

Peut-être aurait-il dû faire psychologue pour chevaux. Par moment, Jérémie avait l'impression de tellement les comprendre que la parole ne leur manquait pas et qu'il était capable de sonder leur âme. Il comprenait bien mieux les chevaux que les humains en tout cas.

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Alors qu’ils commençaient doucement à avancer dans l’écurie, le premier conseil de Jérémie ne tarda pas. Camille se corrigea immédiatement, appliquant ce que ce dernier lui avait fait remarquer. Rester naturel … C’était peut-être une des choses les plus dure qui devait exister au monde. Enfin surtout envers les humains. Parce qu’avec sa jument, c'était beaucoup plus facile. Alors il pouvait le faire, c’était dans ses capacités. Il cessa alors de la regarder, fixant la sortie de l’écurie droit devant lui et ne faisant plus vraiment attention à ce que faisait Vagabone.

Mais malheureusement pour lui, les choses se compliquèrent rapidement. Et là, Camille était vraiment très paniqué. Il savait qu’il ne fallait pas qu'il lui montre sa peur, qu’il devait rester calme, même devant ce que lui faisait la jument … Mais c’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. À l’intervention de Jérémie, Camille tourna rapidement sa tête vers lui, lui lançant un regard désespéré quand ce dernier lui demanda de reprendre le contrôle. Mais comment diable voulait-il qu’il arrive à calmer la jument ?

Il n’arriva pas retenir la phrase anxieuse qui passa ses lèvres contre sa volonté.

« Mais j’ai aucune idée de ce que je fais … »

Mais, il essaya tant bien que mal d’appliquer ce que lui disait l’homme à ses côtés juste après : resserrer sa prise, recommencer si ça ne marchait pas, ne pas tirer sur la longe, la caresser que si elle se calmait, ne pas crier, ne pas flipper ou s’énerver, redémarrer dès que tout allait bien. C’était beaucoup, mais alors beaucoup d’informations et d'actions à gérer. Camille m’y un petit moment avant d’arriver à s’organiser lui-même. Vagabone, elle ne changeait absolument pas de comportement durant ce laps de temps. La première vraie évolution fut qu’en Camille se décida à arrêter de tirer sur la longe, préfèrent s’avancer vers elle plutôt que de laisser la longe filer. Dès que la pression sur la corde fut relâchée, les mouvements de tête de la jument se calmèrent, même si elle reculait toujours. Camille avançait vers elle se disant qu'elle finirait bien par s'arrêter et, il restait le plus calme possible. Mais, à chaque bruit ou mouvement autour d'elle un peu trop vif à son goût, elle recommençait à bouger dans tous les sens au bout de la longe.

Camille s’adressa à elle d’une voix calme, mais ferme, imitant le ton que Jérémie avait pris en s’adressant à lui. Ça lui avait remis les idées en place. Alors pourquoi ça ne ferait pas de même avec la jument ?

« Vagabone. Calme-toi. Tout va bien. »

Au bout d’un moment qui sembla être une éternité pour Camille, il réussit à peu près à retrouver une Vagabone plus posée. Il finit par remettre sa main sous son licol et la caressa doucement avant de se remettre en marche tout de suite.

« C’est bien … Làààà ma belle. »

Il avait les jambes qui tremblaient quand il reprit la balade et hormis la pointe de ses oreilles qui étaient rouges à cause du stress, le reste de son visage était livide. Il n’avait jamais éprouvé ce genre de peur en particulier. Il avait déjà eu peur, comme tout le monde. Mais là, c’était une sensation très différente. Il était devant quelque chose qu’il ne comprenait pas vraiment, qui était beaucoup plus fort que lui et devant laquelle il devait s’affirmer. C’était compliqué. Mais il était heureux d’avoir réussi à gérer la situation, même s’il avait l’impression qu’il allait s’écrouler sur place.

Il se tourna vers Jérémie, en souriant timidement.

« Merci de prendre le temps pour m’expliquer comment faire. Je veux vraiment pas faire du mal à Vagabone … Et comme je ... j'y connais rien c'est compliqué. »

Ce type était vraiment génial, sans lui l’incident qui venait de se produire se serait sûrement finit tout autrement. Il souffla doucement pour essayer de se calmer complétement. Il espérait vraiment que le plus dur était passé.

« Il faudra faire une pause pour sa jambe ? Ou on peut faire le tour complet d’une traite ? »

Temps mort

Camille

Les choses étaient toujours plus facile à dire qu'à faire. Camille espérait peut-être être tranquille avec une jument simplement blessée mais il se rendait compte à présent qu'un cheval, n'importe lequel, pouvait s'emporter pour x ou y raison. L'adolescent croisa le regard du palefrenier, n'étant pas du tout convaincu par ses dires, et pourtant, Jérémie le scrutait sans ciller. Ca, Camille avait l'air perdu en effet, et dépassé par la situation et l'attitude de sa jument. Le garçon d'écurie poussa un soupire. Comment avait-il pu croire que le blond était capable de mener cet animal ? Avait-il accepté trop rapidement de lui laisser cette liberté ? Ce n'était qu'un gosse comme un autre, il aurait dû s'en douter. Malgré tout, Camille tenta tant bien que mal de faire ce que lui avait dit le jeune homme. Mais Jérémie avait déjà la foi qui s'était envolé devant la maladresse du résident. C'était probablement peine perdue.

Le palefrenier fut sur le point d'intervenir, se disant que ça ne servait à rien d'attendre quelque chose qui ne viendrait jamais. Mais à sa grande stupéfaction, la jument finit par s'apaiser car le blond avait persévéré pour suivre la démarche entendue afin de reprendre le contrôle. Sans plus attendre, et comme Jérémie le lui avait demandé, le résident reprit la marche sous le regard assez déconcerté du palefrenier. Ce dernier ne sut plus trop quoi penser à présent. Il avait bien vu que l'adolescent était raide comme un piquet, mais la jument le suivait à nouveau docilement et les choses étaient plus ou moins rentrer dans l'ordre. Ce pensionnaire venait de gérer cette crise par lui-même ? Jérémie avait visiblement eut des pensées trop rapides et infondées. Le jeune homme quitta l'écurie derrière les deux autres, songeur. A un moment donné, le blond l'interpella et Jérémie fut à nouveau étonné de voir un sourire sur son visage tandis qu'il le remercia. Sans mot dire, le palefrenier se contenta d'un hochement de tête en guise de réponse.

- Hm ? Un tour complet suffira si tu y vas doucement. Inutile de la frustrer d'avantage.

Pour une fois qu'elle pouvait sortir, ce n'était pas le moment de jouer avec les nerfs de l'équidé en lui faisant s'arrêter toutes les deux minutes. Une agitation risquerait de recommencer à chaque fois qu'il faudra redémarrer.

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Camille était toujours tendu, mais heureusement pour lui Vagabone semblait coopérative. Enfin pour le moment. Camille hocha la tête et continua donc à marcher, ne regardant pas sa jument.

« D’accord. Pas de soucis. »

Il acquiesçait encore une fois, écoutant les conseils de Jérémie. Encore une fois ce dernier avait fait mouche et grâce à lui le blondinet avait pu reprendre le contrôle de la jument. Il trouvait ça impressionnant, ce mec arrivait à comprendre les chevaux si facilement. Camille espérait pouvoir être comme lui un jour. Peut-être avec beaucoup de travail et pas mal d’expérience il arriverait à lire dans les équidés comme le faisait le palefrenier ?

Alors qu’il finissait le premier long côté de l’écurie, comme à son habitude, Camille s’adressa à sa jument. Il la sentait toujours nerveuse au bout de la longe, elle remuait à droite et à gauche. Elle était hyper-réactive à tout ce qui l’entourait et des stimuli autour d'une écurie remplis de chevaux et d'humains, il y en avait. C'était compliqué pour Camille de rester calme et sur de lui, mais il faisait de son mieux. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas posé ses sabots dehors alors c’était compréhensible qu'elle soit comme ça.

« Sois sage maintenant. Sinon mon cœur ne tiendra pas jusqu’à la fin du tour. Et je suis sûre que Jérémie n’a pas envie de me faire un massage cardiaque. »

Il rit légèrement se tournant vers Jérémie en espérant que sa blague le ferait lui aussi sourire. Plus le tour de l’écurie avançait et plus Camille se détendait. La jument était remuante, mais elle n’avait pas recommencé ce qu’elle avait fait en sortant de l’écurie.

« Je pourrais la faire marcher un peu tous les jours, ou juste une fois par semaine ? Et il ne faut pas qu’elle court c’est ça ? »

Et on pouvait aisément comprendre qu’il se détendait car il reprenait son avalanche de questions. Quand il n’était pas terrifié, il réfléchissait beaucoup trop. C’était normalement assez positif, d’être quelqu’un de réfléchi. Mais dès qu’il s’agissait de Vagabone, vu qu’il n’y connaissait rien aux chevaux, il avait tendance à se laisser emporter par sa curiosité et son envie de bien faire. Mais au moins, bientôt, il arrêterait d’embêter le pauvre palefrenier qu’il sollicitait à chaque fois qu’une question lui passait par la tête. Il espérait bientôt arriver à être cent pour cent autonome avec sa jument.

« Encore désolé de t’embêter avec mes questions. Promis j’arrête bientôt. »

Temps mort

Camille

Est-ce que Camille serait en mesure de gérer une nouvelle situation agitée seul ? A présent qu'il savait quoi faire, on pourrait espérer que c'était le cas. Mais peut-être qu'il n'y était parvenu que parce que Jérémie était dans le coin et avait eut le don de le mettre en confiance pour ça ? Le jeune homme continuait de suivre le duo résident-cheval, marchant paisiblement à leur côté, faisant mine de ne pas s'en occuper alors qu'il restait constamment attentif au moindre fait et geste de Vagabone. Il n'avait pas besoin de la tenir en longe pour sentir à quel point elle était nerveuse, avide de course, de sport, de défoulement.

Il entendit alors le blond s'adresser à la jument et arqua un sourcil. Il ne fut pas particulièrement réceptif à cette pointe d'humour mais il se disait que c'était probablement une astuce du résident pour garder son sang-froid. Quoi qu'il en soit, le reste de la balade, si on pouvait appeler ça comme ça, se passait plutôt bien malgré une jument un peu sur les nerfs. Elle finira sans doute par s'y faire à la longue. Pour sa première sortie depuis longtemps, elle se contrôlait plutôt bien, et Camille aussi.

- Jamais courir, insista le palefrenier à la question du pensionnaire, pour le moment juste une fois dans la semaine en surveillant bien l'état de sa tendinite. Si ça se présente bien, on pourra passer à des sorties quotidiennes rapidement.

C'était peut-être extrême mais Jérémie était aux petits soins pour les chevaux et n'accepterait jamais une erreur capable d'empirer leur cas. Vagabone traînait cette tendinite depuis trop longtemps déjà. Il ne fallait surtout pas presser les choses au risque de devoir encore tout recommencer à zéro.

- Je te l'ai déjà dit, je préfère que tu demandes plutôt que de faire une connerie.

Même s'il devait reconnaître que c'était parfois chiant d'avoir autant de questions. Plutôt ça que d'assister à une gaffe. Mieux vaut prévenir que guérir comme on dit.

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