Mauvaise surprise [Camille]

C'est vrai, pourquoi s'excusait-il ? C'était sûrement un reste du jour où il avait tout avoué à ses parents. Qui après l'avoir enfin cru, l'on engueulé. Ça il s'en rappellerait toute sa vie. Il avait beau s'être excusé en boucle, rien n'y faisait, ses parents ne le regardait plus comme avant … Il n'était plus l'enfant parfait qu'il avait toujours été. Il était souillé maintenant … Et rien ne pourrait jamais rattraper ça. Quelque chose c'était brisé en eux et ils avaient brisé quelque chose en Camille et depuis, ce dernier ne les considérait plus comme ses parents. Mais cette conversation avait eu des répercutions qui handicapées encore Camille aujourd'hui.

« Je sais pas … »

Il réfléchit un peu, et il est vrai qu'il avait ce réflexe de s'excuser dès qu'il parlait de son viol. Au fond de lui, il avait tellement l'impression que c'était de sa faute, qu'il éprouvait le besoin de s'excuser tout le temps. Mais il n'y avait pas que ça ...

« Parce que j'ai trop honte d'en avoir parlé … Parce qu'il faut pas que j'en parle avec des gens qui ne sont pas médecins … Sinon tu vas me trouver dégouttant. Déjà que tu es en colère contre moi … ça serait bête que j'aggrave mon cas ... »

Le blond avait pris un ton badin et détaché quand il parlait, gardant contre vent et marée son sourire de façade. Il n'avait pas envie de montrer à Jérémie combien ce sujet le désarçonnait littéralement. Il avait l'impression, dès qu'il évoquait ça, de redevenir le Camille trop terrorisé pour en parler à qui que ce soit. Alors, qu'en y réfléchissant, il n'avait pour le moment toujours pas évolué sur ce point là : la peur était toujours là.

Encore une fois, il essaya de changer de sujet, rigolant légèrement pour détendre l'atmosphère et combler les silences trop longs qui pouvaient s'installer entre lui et le palefrenier. Il fallait qu'il parle pour éviter de trop cogiter pour le moment et tant pis s'il devait saouler son interlocuteur pour ça.

« Tu n'es donc pas décidé à parler gâteau. C'est pas grave, on va trouver autre chose. Alors que penses-tu des animaux de compagnie … tu en as un, toi ? Moi mes géniteurs n'ont jamais voulu ... »

Et ce n'était pas faute d'avoir essayé. À plusieurs reprises et lourdement. Mais Monsieur et Madame Pelletier étaient totalement hermétiques à ça, malgré l'insistance entêtée de Camille. Il avait passé des années à leur demander un chien , un chat, un hamster. Enfin, n'importe quoi qui aurait des poils et un peu d'affection à partager avec lui. Mais rien n'y faisait et aucun animal n'avait jamais passé la porte de leur maison.

Mauvaise Surprise

Camille

Jérémie garda le silence lorsque Camille, confus, ne sut pourquoi il s'excusait vraiment. Et le palefrenier ne le devina pas non plus, ignorant qu'il était sur les affaires de viol en vérité. Le blond était probablement la première victime de ce crime qu'il connaissait. A moins qu'il y ait d'autres résidents dans son cas sans que le garçon d'écurie ne le sache. En général, il ne savait pas pourquoi tel ou tel jeune se trouvait ici. C'était des histoires trop privées et trop difficiles à aborder -et accessoirement, il ne s'en intéressait pas non plus en général- Pour les chevaux, c'était tout le contraire. Dès qu'un nouveau arrivait au domaine, la première question du palefrenier était de savoir pourquoi l'animal se retrouvait ici. Camille néanmoins, finit par lui expliquer sa vision des choses. Le jeune homme ne pipa toujours pas mot cela dit, mais cette fois-ci, c'était parce qu'il ne savait pas du tout quoi penser de tout ça, ni quoi répondre. C'était probablement au delà de ses capacités. Il n'avait pas été un tendre dans sa jeunesse, il en avait bien conscience. Mais s'il y avait bien une chose qui ne lui serait jamais passé par la tête, c'était de violer autrui. Et ce n'était sans doute pas parce qu'il avait été trop jeune à l'époque pour y penser. Aujourd'hui encore, il ne disait qu'il n'aurait jamais pensé une seconde à aller aussi loin dans ses crimes.

- C'est vrai, je ne suis pas médecin, soupira le jeune homme, mais euh...Ce n'est pas grave. Enfin, il n'y a pas de raison de s'excuser pour ça.

Le palefrenier avait répondu avec une certaine maladresse. Il songeait à ce que devait ressentir le résident. Trop honte pour en parler. Oui, ça se comprenait totalement. A l'inverse, Jérémie n'avait jamais eut honte d'être ce qu'il avait été, mais faisait de son mieux pour que tout ça reste derrière lui, enterré quelque part. Il ressentait plus de colère que de honte sur sa vie d'avant et peut-être que Camille en avait aussi, de la colère envers lui-même pour ce qu'il n'avait pas su empêcher d'arriver. Il ne s'était pas donné la peine de préciser que sa colère à son égard pour ce qui s'était passé aujourd'hui avait disparu, couverte par les révélations du jour. Ou du moins, celle-ci était tourné surtout vers la grande coupable de l'histoire : Tessa. Mais il n'avait pas envie de penser à cette garce pour le moment. C'était peut-être bien finalement que Camille tente de parler d'autre chose, mais ça ne changer rien au fait que le garçon d'écurie n'avait pas du tout l'habitude de discuter.

- Non, répondit-il, enfin si, les chevaux peut-être.

Enfin, il ne pouvait pas vraiment dire qu'ils étaient à lui. Mais c'étaient des animaux. Qui lui tenaient compagnie. Donc, ça comptait toujours non ? Chez les gitans, il n'en avait jamais eu. Pourquoi se casseraient-ils la tête avec des bouches à nourrir qui servaient à rien ? Et puis, avec sa peur des chiens, Jérémie n'était pas prêt d'avoir ce genre de boule de poils à sa portée. Dans sa vie de rue, à part des rats et des chats errants, il n'avait pas croisé grand chose comme bestioles avec qui il devait partager le territoire des rues dépravées. Il n'avait tout bonnement aucune affinité avec les animaux à part les chevaux qu'il considérait comme salvateurs.

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Camille ne put s'empêcher de rire quand il entendit la réponse de l'adulte qui l'accompagnait. Il était évident que ce dernier allait lui sortir une réponse de ce type. Le blond n'était juste pas convaincu que les chevaux se classent dans les animaux de compagnie. Mais, après tout, des gens avait bien des iguanes en animaux de compagnie, alors pourquoi les chevaux ne seraient pas considéré comme tel ?

« Oui, j'aurais dû m'en douter. D'ailleurs, tu montes à cheval ? Ou pas du tout ? »

Le blond était assez curieux de le savoir. Il n'avait jamais vu Jérémie sur un cheval, mais il ne passait pas non plus ça vie dans les écuries, alors il avait peut-être loupé ça. Et ça l’intéressait vraiment de le savoir. Car si ce dernier montait, le garçon s'empresserait de lui demander s'il pouvait venir le voir. De temps en temps, il lui arrivait d'aller admirer les cavaliers travailler leurs chevaux. Il rêvait de pouvoir lui aussi faire pareil un jour, mais il n'y était clairement pas. Il avait adoré se retrouver sur le dos d'un cheval. Et même s'il avait été très impressionné au début, il repensait quasiment tous les jours à cette expérience. Et cela le démangeait de recommencer.

« Moi, je pense que je vais demander à vraiment prendre des cours. Ça m'a beaucoup plus l'initiation de la dernière fois. Mais, il faut que je réfléchisse, car une fois sortie d'ici, il y a peu de chance que je puisse continuer et si ça me plaît trop, je serais triste de ne plus pouvoir monter à cheval. »

Camille réfléchissait peut-être trop parfois, mais c'était dans sa personnalité d'essayer de penser à tout et de tout contrôler. Et même s'il n'avait pas envie de partir d'ici, il ne pouvait qu'imaginer comment serait sa vie après Almara, quand il aurait réglé ses soucis ou du moins qu'il saurait comment se dépatouiller avec sans exploser psychologiquement. Et, ce qu'il imaginait pour lui était assez précis, mais il n'avait aucune idée de comment faire pour y arriver.

Il espérait plus que tout au monde ne pas avoir à retourner chez ses parents. Mais, c'était assez compromis, surtout s'il sortait avant ses 18 ans. Dans l'idéal, il sortait une fois majeur et faisait ce qu'il avait envie : soit il reprenait ses études, soit il travaillait. Mais dans les deux cas, il n'avait aucune idée de quoi choisir … Et dans la longue liste des choses qui l'angoissaient, son orientation et son avenir professionnel en faisait partie. Il n'avait jamais eu à réfléchir à ça. Le choix avait été fait pour lui depuis longtemps, alors, se retrouver là devant une immensité de choix le déboussolait un peu.

« Tu as fait comment pour devenir palefrenier ? »

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Camille

Bon, bah au moins, le blond savait encore rire malgré la situation. C'était sans doute toujours ça de gagner même si Jérémie s'interrogeait intérieurement de savoir si le gamin se payait sa tête ou non. Il était vrai que c'était difficile de considérer ces animaux comme on le faisait avec un chien ou un chat. Mais ils étaient les seuls animaux que Jérémie considéraient tout simplement.

- Ca m'arrive.

Il ne montait pas souvent. Généralement, c'était dans le but de la thérapie d'un cheval spécifique qui avait besoin d'être monté par quelqu'un qui savait plus y faire qu'un résident. Et accessoirement aussi pour permettre à Jérémie de rester à niveau quand à son niveau équestre. Ce n'était pas une activité dont il était particulièrement fan sans pour autant la détester. Quand il montait, il avait l'impression de se donner en spectacle et il avait horreur de ça. Ce qu'il préférait, c'était voir les chevaux en liberté, parce que ça lui rappelait sa propre liberté. Du moins, la sensation de liberté qu'il avait eut dans sa jeunesse. Tandis qu'un cheval harnaché lui rappelait l'intégration à la société qui lui avait été si difficile. Tellement d'ailleurs qu'il ne s'était jamais vraiment intégré puisqu'il avait choisi de rester reclus au domaine pour y travailler. Il aimait passer du temps dans les prés, seul entouré d'une multitude de chevaux qui se pressaient à sa rencontre en espérant quelque chose à manger. Au milieu d'un troupeau qui lui offrait une sensation de sécurité et de sérénité lorsqu'un rayon de soleil perçait les nuages de Normandie pour réchauffer la terre en pleine nature.

- J'imagine qu'il faudra demander au directeur.

Il ne savait pas trop si les élèves pouvaient avoir droit à des cours quand bon leur semblait où s'ils devaient faire avec le programme d'Almara tout préparé. Les cours d'initiation, ce n'était qu'un vague aperçut et il était dit que ceux qui n'avaient pas aimé ne remonteraient plus. La question suivante raidit un peu le concerné sur le coup. Comment il avait fait ? Bonne question...La réponse, il l'avait pour sûr, mais il ne pouvait pas la révéler ainsi.

***

Il pleuvait à verse. Un vrai déluge. L'adolescent sous la pluie traînait la patte, incapable de savoir où aller désormais. Almara venait de fermer ses portes. Peut-être pour toujours. Et lui, que devait-il faire de sa vie à présent ? Il était revenu sur les lieux en espérant être pris, non pas comme résident, mais comme apprenti palefrenier. Il ne voulait pas retourner dans la société, chercher un métro boulot dodo comme tout le monde. Ce monde était trop vaste, trop angoissant. Lui, il voulait rester auprès des chevaux. Même si Hélios n'était plus là, ce n'était pas grave. Il avait une dette envers eux. Il voulait prendre soin d'eux. C'était là-bas sa place. Là-bas qu'il s'y sentait si bien. Mais les portes étaient bien closes. Jamais il n'avait put faire sa demande. Depuis combien de temps il errait sur les sentiers de cette campagne ? Il l'ignorait. Il était transi de froid. C'était tout ce qu'il savait. Et fatigué qui plus est. Il était si tard. Le garçon de quinze ans s'arrêta finalement près d'un muret, s'adossant à ce dernier avant de s'accroupir sous la pluie battante. Soudain, une lumière l'aveugla subitement.

- Qu'est-ce que tu fais là gamin ? lança ce vieillard qui tenait sa lampe torche d'une main, son parapluie dans l'autre.

Jérémie ne sut quoi répondre. Il frissonnait et cette lumière était décidément trop forte. Il ne comprit pas tout ce qui se passait, mais l'homme l'invita à se mettre au chaud et au sec. Avant Almara, il l'aurait sans doute déjà dépouillé sans demander son avis. Mais là, l'adolescent se montra parfaitement docile. Il se décolla du mur qui, sans qu'il ne le sache encore, appartenait à ce vieux centre équestre qui tenait à peine debout.

- J'aurais bien besoin d'un p'tit gars comme toi, fort et bien bâtit, qui puisse s'occuper d'mes bêtes, avait lancé Jacques lorsqu'il comprit que son jeune hôte n'avait nulle part où aller, c'est que j'suis plus tout jeune moi !

Au fil des jours, le travail se faisait. L'adolescent nourrissait les chevaux, les menait au pré, les pansait, les soignait...Il les montait même quelques fois, avait même su refaire la charpente de l'écurie qui tombait en miette. Cette décennie qui s'écoula était probablement la meilleure de sa vie. Quand Almara avait enfin rouvert ses portes, dix ans plus tard, Jacques accepta l'évidence : lui et le centre était trop vieux et il était temps d'y mettre fin. Quand à Jérémie, l'adolescent fébrile, il était devenu un jeune homme qui, bien que triste à l'idée de quitter Jacques, put revenir la tête haute pour présenter ses services là où il avait toujours voulu rester.

***

- J'ai plus ou moins apprit sur le tas, finit-il par répondre à Camile.

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Le sourire du résident s'étira quand Jérémie lui affirma qu'il montait parfois à cheval. Camille avait littéralement des étoiles dans les yeux. Évidemment que cet homme, qui connaissait si bien les chevaux, savait aussi les monter.

« J'aimerais bien venir te voir, quand tu montes. Enfin, si ça ne te dérange pas … Et si j'ai le droit. »

Camille dissimulait difficilement son enthousiasme sur cette question, mais, son excitation retomba vite fait quand le palefrenier répondit de manière laconique à comment il avait appris son métier. Cette réponse était des plus déstabilisantes pour le jeune homme.

« Ah … Okay. »

Elle ne l'aidait pas du tout. On embauchait vraiment des gens aillant appris leur métier sur le tas de nos jours ? Ou Jérémie était l'exception qui confirmait la règle ? Et lui, que lui restait-il comme choix maintenant ? Il n'allait sûrement pas suivre le chemin que ses parents avaient tracé pour lui. Le métier d'avocat ne l'intéressait absolument pas. Et maintenant qu'il ne se sentait plus obligé de leur faire plaisir, un nouveau monde de possibilités s'offrait à lui. Mais le choix qu'il devait faire, rapidement, s'il ne voulait pas se retrouver sans option en quittant Almara lui donnait un peu le vertige. Aurait-il dû écouter ses parents ? Aurait-il dû continuer à avancer sans se plaindre, préservant ainsi sa petite vie toute tracé ?

Le blond était un peu confus et de toute façon, ce n'était pas le moment de se mettre la pression avec ces questions-là. Il était trop mal en point pour ça. D'ailleurs, la douleur lancinante au niveau de son nez ne cessait d'augmenter, si bien que Camille avait l'impression que sa vue se brouillait légèrement.
Il fixa le dos du palefrenier pour se donner un point de repère et se motiver à avancer. Le blond essaya de respirer doucement, se disant dans un premier temps que ça allait passer ou du moins, se calmer un peu. Mais après quelques mètres de plus à suivre tant bien que mal son accompagnateur, il se résolut à l'interpeller.

« On peut s'arrêter cinq minutes s'il te plaît, je ne me sens pas très bien. »

Et pour une fois, il ne se força pas à sourire, préférant fermer les yeux pour voir si cette sensation allait se calmer. Mais malheureusement pour lui, il sentit soudain un liquide chaud couler de son nez. Camille porta une main tremblante sur son visage, et regarda le sang qu'il y avait dessus, jetant un regard mi-apeuré, mi-paniqué à Jérémie.

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Camille

Manque de chance pour Camille, avoir du public n'était pas quelque chose qui plaisait énormément à Jérémie. Que ce soit à cheval ou non d'ailleurs. Le palefrenier ne savait pas pourquoi le fait qu'il savait monter émoustillait tant que ça le résident. C'était tout de même un peu logique après tout, non ? Même le directeur savait monté et pourtant ce n'était qu'un psy. Quoi qu'il avait moins d'affinité avec les chevaux que Jérémie. Le garçon d'écurie avait apprécié le jour où l'homme avait tenté de se mettre en selle après un long temps d'inactivité et n'avait pas su tenir son cheval. Parfois, le palefrenier se demandait vraiment ce que ce gars faisait à la tête d'un domaine équestre.

- Eh bien si, ça me dérange, répondit-il à Camille, j'ai pas besoin que quelqu'un vienne lorgner ce que je fais.

Il était persuadé qu'il se sentirait mal à l'aise s'il venait à attirer l'attention sur lui. Bon, c'était déjà arrivé que des résidents l'aperçoivent mais il faisait tout pour les ignorer, se concentrant sur ce qu'il avait à faire avec l'équidé. Il s'agissait de pensionnaires qui s'étaient invités d'eux même à s'occuper de ce qui ne les regardait pas alors pour une fois qu'on lui demande son avis, il pouvait catégoriquement refusé. La déception fut de mise quand Jérémie ne donna guère plus de détail sur son accession au rôle de palefrenier. Si Camille voulait devenir palefrenier quelque part, il trouvera bien le moyen de l'être. En tout cas, Jérémie ne savait pas s'il y avait des études à faire ou non si c'était ça la question. Alors qu'ils approchaient du manoir, le blond demanda une pause. Jérémie s'arrêta avant de faire volte-face.

- On est presque arrivé, assura t-il.

Une chose est sûre, l'infirmier allait vraiment s'en poser des questions. Est-ce qu'il sera capable de deviner lui-même que ce gamin s'était fait passer à tabac ? Peut-être que ça arrivait plus souvent qu'on ne le pensait et qu'il savait repérer les signes. Jérémie n'en savait rien. D'ailleurs, il n'avait pas tellement d'affinité avec ceux qui étaient en charge de soigner les résidents. Jérémie plissa le regard en voyant Camille relever la tête, un filet écarlate s'échappait d'une de ses narines, perlant sur sa peau et laissant une trace rougeoyante sur celle-ci, gouttant presque jusqu'au sol. Fouillant dans ses poches, devant le regard angoissé de l'adolescent, le palefrenier en sortit un mouchoir en s'approchant de lui. D'une main sur la tête du blond, il l'incita à la basculer en arrière, tandis que de l'autre...

***

...Il appuya sur la narine saignante à l'aide du mouchoir. L'infirmier resta quelques secondes ainsi, observant le visage blasé de Jérémie qui portait une marque au front, signe qu'il s'était pris un coup à cet endroit là. L'homme soupira avant de demander à l'adolescent de tenir ce mouchoir en appuie sur son nez pour stopper l'hémorragie.

- Tu l'as bien cherché, lança t-il au garçon, la prochaine fois, tu réfléchiras à deux fois avant de frapper tes camarades. T'es plus dans la rue je te signale.

- C'est plutôt l'autre c*n qui l'a bien cherché, répliqua le jeune homme assit sur la table d'auscultation, je pense qu'il a retenu la leçon maintenant.

- Toi aussi tu vas retenir la tienne. Le directeur va te coller une punition que tu seras pas prêt d'oublier.

L'adolescent haussa une épaule, lâchant un soupire exaspéré. Tant pis, il s'en moquait. L'autre résident s'était pris une trempe du feu de Dieu qui le tiendra pour sûr à distance de lui désormais. Peut-être même qu'il en aura peur à chaque fois qu'il le croisera dans un couloir. Pourtant, il ne s'était rien passé de grave à la base. Une banal bousculade, un conflit dont les voix s'étaient levés de plus en plus tel un rond à la surface de l'eau, impossible d'arrêter. Jérémie, agacé, avait laissé le premier coup partir en espérant ainsi dominer la situation et se faire respecter mais l'autre, de deux ans de plus que lui, ne s'était pas laissé faire.

***

- Continue d'appuyer, fit le jeune homme à Camille d'une voix se voulant étrangement rassurante, ça va s'arrêter.

"Enfin normalement" songea t-il. Les portes du manoir n'étaient plus qu'à quelques mètres et les choses iront vite mieux quand le toubib l'aura vu. Peut-être qu'il avait des médicaments ou je ne sais quoi pour que l'adolescent se sente mieux.

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Camille encaissa le refus de Jérémie sans ne rien dire de plus. Après tout, il lui avait demandé son avis et si ce dernier ne souhaitait pas qu'il vienne le voir monter, alors il ne viendrait pas. Même s'il était déçu par ce refus, il ne pouvait pas toujours obtenir ce dont il avait envie. Mais, il ne manquerait pas l'occasion de lui reposer la question un jour où il serait plus en forme.

Puis, sentant un malaise arriver, Camille demanda au palefrenier de s'arrêter. Et cela, seulement quelques instants avant de se mettre à re-saigner du nez de manière abondante. Heureusement, Jérémie prit rapidement les choses en main et vint aider Camille. Là, le jeune homme de 17 ans ressemblait plutôt à un petit garçon sans défense.

« Hmh ... »

Fut la seule réponse qui sortit de la bouche de Camille. Il appliquait sans rechigner ce que lui disait de faire Jérémie. Même s'il continuait à être inquiet par le saignement de son nez, il le vivait beaucoup mieux que plus tôt dans la journée. C'était rassurant d'avoir quelqu'un qui savait ce qu'il faisait à côté de soi.

Alors Camille gardait la tête en arrière, appuyant sur sa narine fautive. Dieu que ça lui faisait mal. Mais, loin de se plaindre, il continuait vaillamment à exercer une pression constante avec le mouchoir. Ses mains tremblaient toujours autant. Mais en même temps, rien d'étonnant à cela : c'était la première fois de sa vie qu'il saignait du nez. Alors pour lui, il avait l'impression qu'il allait mourir sur place. Autant, il était habitué aux entorses, tendinites, foulures et autres problèmes musculaires, autant ce genre de chose était totalement inconnue pour lui et beaucoup trop impressionnante de son point de vue.

« Ils vont pas m’amener à l’hôpital quand même ? ... Je veux pas partir d'ici … »

Et outre le fait que le blond n'avait pas envie de se retrouver à l'hôpital à cause de Tessa, il craignait aussi deux autres choses. La première, que l'on prévienne ses parents. Et avec ça le risque que ces derniers viennent le voir. La seconde, que son coach le retrouve. Camille n'avait aucune idée d’où en été le procès. Il s'en moquait de toute façon, trop angoisser par la possibilité qu'on lui demande de témoigner. Mais s'il sortait d'Almara, il avait peur que ce dernier lui tombe dessus.

Il sentit à nouveau sa respiration s'accélérer. Mais qu'est-ce qu'il était bête parfois … Pourquoi pensait-il à ce genre de chose dans des moments déjà compliqué … Encore une fois, Camille essaya de se calmer en reprenant lentement le contrôle de sa respiration. Il ne quittait pas Jérémie des yeux, se raccrochant à lui et à ce qu'il faisait pour ne pas laisser sa panique prendre le dessus.

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Camille

Un saignement de nez était généralement banal. Jérémie ne serait pas étonné que ce ne soit pas la première fois que ça arrivait à Camille. Au contraire, il s'étonnait de voir qu'il ne saignait pas ailleurs. Sous les coups de Tessa, qui sait ce qui aurait pu se passer. Même si elle était petite, elle était sans doute forte. Enfin, il supposait qu'il fallait l'être un minimum pour réussir à casser en deux un mec de la carrure du blond, qui était tout de même un sportif de base. Il arqua un sourcils à la question du résident.

- Pour un nez qui saigne ? Je pense que ça devrait aller, lança t-il quelque peu sarcastique.

Et puis, même s'il devait y aller, il serait vite de retour. On ne restait jamais très longtemps en dehors du domaine une fois qu'on y était entré. S'il y avait bien une chose sur laquelle ça ne plaisantait pas ici, c'était de l'imperméabilité des lieux pour éviter que les résidents se fassent aisément la malle. C'était peu de le dire vu le nombre de fois où lui même avait passé le périmètre au peigne fin afin de s'enfuir jadis. Encore une fois, niveau réconfort, le palefrenier n'était pas un as, mais il restait néanmoins auprès du blond pour surveiller les événements. Au bout d'un moment, il reprit les rênes en récupérant le mouchoir pour jeter un oeil à la situation.

- Hm, ça ne saigne plus on dirait, constata t-il, n'y touche pas pour le moment.

Il jeta le papier imbibé de sang dans la première poubelle à sa portée avant de se tourner à nouveau vers le résident.

- On peut y aller à présent ?

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Camille ne put s'empêcher de saisir le poignet de Jérémie quand ce dernier retira le mouchoir. Il le relâcha bien vite, surpris par son propre réflexe et n'osa pas le regarder en face. Il aurait mieux fait d'être aussi réactif quand le poing de Tessa s'était écrasé sur son visage. Bon, il avait une bonne excuse pour ne pas avoir réussi à se défendre, le coup qu'elle lui avait donné dans ses parties avait réduit à néant sa capacité de réflexion et donc de défense. Mais tout de même, Jérémie ne faisait que l'aidait depuis de longues minutes maintenant, il ne méritait pas une réaction aussi vive.

Il laissa le palefrenier regarder sa blessure, rangeant ses mains au fond de ses poches. Il ricana un instant quand il lui conseilla de ne plus rien toucher.

« J'en ai pas l'intention, ça fait beaucoup trop mal ... »

Il redressa prudemment sa tête et essayait de la garder le plus immobile possible. Il ressemblait un peu à un robot tellement ses mouvements paraissaient étrange. Mais, vu qu'ils étaient quasiment dans le manoir, il s'en voudrait de salir le sol du bâtiment avec son sang.

D'ailleurs, il regarda Jérémie jeter le mouchoir plein de son sang et cela le gêna. Il aurait pu s'en occuper lui-même. Surtout que bon, ce n'était pas terrible de laisser quelqu'un se salir les mains ainsi. Mais avant qu'il ai pu dire quelque chose, ce dernier l'invita à avancer.

« Oui, on peut. Mais … il faudra que tu te laves les mains … Tu … enfin. Tu as de mon sang sur tes doigts. »

Camille fit une légère grimace, peu de personne l'avait touché depuis ce qu'il s'était passé. Quand c'est lui qui initiait un contact, ça allait, mais sinon, il détestait ça. Il arrivait à tolérer les soins quand il devait en recevoir, mais c'était tout. Il avait juste l'impression qu'en laissant les autres le toucher, il allait les corrompre, les salir … Et c'était le cas avec Jérémie … Et ça l'embêtait d'autant plus que ce dernier avait été correct avec lui depuis le début. Si l'on mettait sa colère de côté. Camille soupira, suivant toujours le palefrenier.

« Au faite … Tu … Tu pourras rester un peu avec moi quand on sera là-bas ? »

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Camille

Jérémie devait bien reconnaître que le geste du blond lui enserrant le poignet fut si imprévu qu'il s'en étonna et avait cessé toute manipulation, jusqu'à ce qu'on lui rende sa liberté de mouvement. Le résident avait-il eut peur qu'il lui fasse mal ou bien avait-il jugé trop tôt le retrait du précieux papier ? Dans un cas comme dans l'autre, le jeune palefrenier n'avait que peu apprécié le contact, bien qu'il ne le montra pas. Ce n'était pas le moment d'être intolérant. A la réponse du blond, le garçon d'écurie rétorqua :

- Raison de plus pour qu'on y aille.

Parce que depuis tout à l'heure, le blond souffrait. Jérémie n'y avait pas fait attention parce qu'il avait été trop absorbé par les soins de Vagabone, mais à présent il ne pouvait que se focaliser sur le résident qui avait subit bien pire que l'animal. Dire que Jérémie s'en inquiétait serait un peu exagéré. Néanmoins, il s'en souciait un minimum malgré tout et même s'il refusait de l'admettre.

- T'occupe, ajouta t-il à la remarque du blond.

Avoir du sang sur les mains, au sens propre comme au sens figuré, ça n'avait pas énormément d'impact sur le jeune homme. Evidemment qu'il les lavera, ne serait-ce que pour l'hygiène des lieux. Il ne pourrait pas toucher autre chose sans l'avoir fait. Ceci dit, pour lui, ce n'était pas encore une priorité. Et puis...Il n'avait pas besoin qu'un gamin lui dise ce qu'il devait faire.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Ce n'est pas mon rôle et puis...j'ai à faire, mentit-il à l'adolescent en ouvrant les portes du manoir pour le laisser entrer.

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Camille passa les portes du manoir quand le palefrenier les ouvrit. Il essayait de bouger le moins possible sa tête, il avait peur qu'en faisant un mouvement trop brusque, il se retrouve à pisser le sang encore une fois. Par contre, il gardait un de ses bras constamment appuyé sur ses côtes. Il avait l'impression que cela le soulageait un peu, surtout quand il dû gravir les quelques marches du perron.

Comme il s'y attendait, Jérémie refusa de rester avec lui. Et cela embêtait vraiment le blond. Il savait qu'il devait se faire soigner, mais il n'était pas très chaud pour se faire rafistoler par l'infirmier du domaine. Il aurait mille fois préféré que cela soit Jérémie qui s'occupe de lui, mais vu que c'était impossible, il aurait au moins espéré que ce dernier reste un peu avec lui.

« Je sais que tu ne t'occupes pas des résidents. Mais, je serais plus rassuré si tu restais dans les parages … Juste un peu, même si tu traînes dans le couloir devant ça me va ... Si tu acceptes, demain je viens t'aider à faire les boxes et passer le balais dans l'écurie. Je peux même aller enlever les toiles d'araignée dans la stabulation des poneys ... »

Camille lui jeta un regard suppliant, il ne faisait clairement pas ça pour l'embêter, mais il devait bien admettre que son insistance aller finir par agacer son interlocuteur. Mais le garçon s'en moquait pour le moment. Il avait juste besoin que Jérémie reste un peu avec lui, c'était trop demandé ?

« Excuse-moi … Je ne devrais pas insister comme ça. Mais … C'est juste que … que j'ai peur des docteurs. Et ça vaut aussi pour les infirmiers, malheureusement. »

Il mentait, c'était aussi clair que de l'eau de roche, mais qui ne tente rien n'a rien, non ? Alors Camille essayait quelques choses. Il ne pensait pas être assez convainquant, mais il se voyait mal dire au palefrenier qu'il appréhendait être enfermé, seul, avec un autre homme. Il connaissait pourtant l'infirmerie, il y avait même déjà été pour se déteindre les cheveux. Mais c'est la première fois qu'il allait se retrouver en position de faiblesse. Et cela l'inquiété beaucoup.

Si on lui avait posé la question seulement quelques heures auparavant, il aurait mis sa main à coupé qu'il ne risquait absolument rien ici. Mais depuis qu'il était passé entre les pattes de Tessa, il avait quelque réticence à être aussi confiant. Il savait qu'elle était une résidente, mais cela n'excusait pas tout. Qu'est-ce qui lui garantissait que tous les adultes du lieu étaient sain d'esprit ?

Puis, il regarda Jérémie en se demandant pourquoi il lui faisait autant confiance ...

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Camille

Rien que de voir l'entrée de Camille dans le bâtiment, Jérémie ne regrettait pas de le conduire contre son gré à l'infirmerie. S'il ne l'avait pas fait, il l'aurait sans doute retrouvé effondré quelque part.

- Rassurer, franchement ? On va pas te manger tu sais, rétorqua le jeune homme, et t'es gentil mais personne ne touche à mon travail.

Si déjà les résidents lui piquaient l'entretien des chevaux, on allait pas en plus le priver d'autre chose. Jérémie était très attaché à son boulot, et tenait à ce que ce soit lui qui le fasse. Il voulait prendre soin de ce bâtiment qui abritait ses protégés. Et en plus, l'adolescent insinuait-il qu'il n'était pas capable de faire son job ? Le palefrenier contra le regard du blond par le sien aux prunelles azurées. Il se voyait mal dans le rôle de baby-sitter les résidents à leur demande. Mais le pensionnaire insistait d'avantage, plus pitoyable que jamais.

***
- Bas les pattes !

- Jérémie, tu saignes beaucoup, laisse-toi faire à la fin.

L'infirmier n'en revenait pas. Il avait l'impression d'avoir à faire à un chat sauvage. Heureusement que celui là n'avait pas de griffes ! En revanche, il avait le museau bien sanglant et tout ce que l'homme voulait fait, c'était appliqué un simple mouchoir dessus alors que le sang perlait jusqu'au sol. L'adolescent était encore énervé, dans tous ses états après cette altercation contre l'autre résident plus âgé. Sortit fraîchement de la rue, il n'avait plus tellement l'habitude d'être manipulé de la sorte. Sa tignasse trop longue lui collait au visage alors qu'il fusillait le toubib de son regard de saphir pourtant si noir. D'un geste, il s'essuya le nez de la manche, y laissant une traînée d'hémoglobine qui ne se voyait pas sur le tissu noir qu'il portait. Mais la narine saignait toujours.

- Tu es ridicule, poursuivit l'infirmier, viens donc t'asseoir là. Je veux juste arrêter le saignement. Après tu pourras partir. Ou plutôt te rendre dans le bureau du directeur.

Le silence s'imposa un moment, après quoi l'adolescent se résigna. Il s'approcha, frustré, avant de s'installer à la table d'auscultation. Il donnait presque l'impression d'attendre l'approche du toubib pour lui sauter à la gorge. Mais bien qu'il eut un mouvement réticent lorsque ce dernier voulu lui pencher la tête en arrière, il ne rechigna pas pour la suite.

***

- Bon, soupira le palefrenier, j'attendrais dans le couloir.

Ils arrivèrent enfin à la porte de l'infirmerie. L'enseigne ne trompait pas et Jérémie, n'appréciant guère ce lieu, frappa néanmoins à la porte.

- Jérémie ? Qu'est-ce qui se passe ? lança l'homme qui avait ouvert le battant, oh là, qu'est-ce qui t'es arrivé à toi ?

Son regard était tombé sur l'adolescent mal fichu à ses côtés. En un coup d'oeil, ce n'était pas difficile de voir dans quel état il était.

- Une simple chute dans les escaliers, répondit le garçon d'écurie d'un air qui se voulait désinvolte, ils n'ont qu'à écouter quand on demande de ne pas courir à l'intérieur des bâtiments.

- Toujours aussi dur avec les jeunes à ce que je vois, soupira l'homme avant de se tourner vers Camille pour l'inviter d'un geste, entre donc mon garçon, je suis sûr que ce n'est pas bien grave, mais on va voir ça quand même.

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Camille ne dit rien de plus quand le palefrenier refusa sa proposition d’aide. Il trouverait bien un autre moyen de le remercier. Il avait le temps de réfléchir, mais le plus vite serait le mieux. Il suivit donc l’homme jusqu’au lieu qu’il essayait d’éviter à tout prix : l'infirmerie.
Mais maintenant qu’il était devant, il ne pouvait plus reculer. Et ce que lui dit Jérémie juste avant de toquer à la porte lui réchauffa le cœur et il lui lança un regard reconnaissant.

« Merci Jérémie. C’est … cool de ta part. »

Et "cool" était malheureusement le seul mot que ce dernier avait trouvé pour résumé à quel point il lui était reconnaissant de rester dans les parages. Reconnaissance qui ne fit que s’accentuer encore plus quand le palefrenier mentit quant à la raison pour laquelle il escortait Camille ici. Le regard du blond s’illumina encore plus. Mais il ne put rien dire de plus pour le moment car l’infirmier l’invita à rentrer.

Camille obéit sans un mot, lançant un dernier petit regard inquiet à Jérémie. La porte se referma alors derrière lui et il grimpa ensuite sur la table d’examen, raide comme un bâton, attendant la suite. L’infirmier s’approcha de lui, en tirant une petite table ou divers matériels de soin étaient à sa disposition. Il commença à regarder Camille en évaluant du regard les différentes blessures du jeune homme. Camille était très mal à l’aise.

- Donc, tu es tombé dans les escaliers ? Tu es sûr ?

« Oui monsieur. »

Sans même avoir besoin de toucher son nez, le soignant avait remarqué la légère déviation et la bosse caractéristique d’une fracture du nez. Il prit un coton imbibé de sérum physiologique et débarbouilla un peu le visage du blond.

- Bon, y’a pas de doute, tu as le nez cassé. Je vais devoir te remettre ça en place. Tu as mal autre part ?

« Non … »

Le regard de l’infirmier se fit plus perçant et ce dernier s’éloigna du résident pour aller chercher quelque chose dans un casier. Un dossier. Camille ne le lâchait pas du regard, surprit que ce dernier le connaisse. L’homme releva finalement son regard de la paperasse et continua.

- Tu es Camille Pelletier, c’est ça ?

Camille hocha la tête affirmativement.

- Tu sais mon garçon, je ne suis ni idiot, ni aveugle … Je ne suis pas là pour t’embêter ou te faire du mal. Alors …

« Les côtes … un peu. Mais j’ai pas envie d’enlever mon t-shirt … Vous ne pouvez pas m’examiner par-dessus ? »

L’infirmier pouffa légèrement.

- Je peux aussi essayer de soigner ton nez sans le toucher mais je ne suis pas sûr du résultat final.

« … »

Prenant le silence du jeune homme pour une réponse, il revint près de lui.

- Tu peux lever les bras pour enlever ton t-shirt ? Je vais t’aider.

Camille s’exécuta, grimaçant de douleur devant ce qu’on lui demandait de faire. Là, sa gêne était à son comble. Il essaya maladroitement de cacher son torse devant l’infirmier, mais ce dernier lui lança un regard sans équivoque pour que le résident range sagement ses bras le long du corps. Il l’examina longuement, appuyant parfois douloureusement sur les ecchymoses que Camille avait. Il restait courageux, mais il ne pouvait s’empêcher de sursauter parfois.

- Je n’ai pas l’impression que tu as des côtes cassées. Je vais te poser un bandage pour te soulager. Tu repasses me voir demain, si tout va bien, et on avisera à ce moment-là si on part sur une radio ou pas. Par contre si à un moment tu te sens mal ou que la douleur devient de plus en plus forte, tu reviens me voir directement. Et on ne joue pas le fier-à-bras, si tu as mal, tu viens ici, okay ?

« Oui monsieur. »

L’infirmier appliqua un bandage serré sur le torse du jeune homme, et l’aida ensuite à renfiler son t-shirt. Il lui donna ensuite un petit bassin haricot en lui faisant signe de le placer sous son nez.

- Bon … ça va faire mal, ça va saigner, mais après ça sera fini. D’accord ?

Camille hocha la tête, terrorisé par ce qu'il venait de lui dire. Là, l’infirmier prit son nez dans sa main et réaligna le cartilage avec l’arrête de celui-ci dans un petit craquement. Et comme ce dernier le lui avait annoncé, ce fut douloureux et sanguinolent. D’ailleurs, Camille ne put retenir un petit cri et quelques larmes. À nouveau, il lui nettoya le visage et lui posa un pansement sur le nez pour le maintenir en place. Et alors qu’il reprenait le petit bassin des mains du jeune homme, l’infirmier remarqua l’état de la paume de celui-ci.

- Et tes mains c’est l’escalier aussi ?

« La longe de mon cheval m’a échappée … »

L’infirmier soupira et lava soigneusement les mains du jeune homme afin d’y appliquer un peu de biafine et de les bander afin qu’il ne re-décore pas le manoir d’empreinte palmaire.

- Tu es tout neuf ! Avale-ça. C’est un doliprane. Tu reviendras me voir ce soir pour en avoir un autre. Si tu te le sens, tu peux y aller. Sinon tu peux rester ici un moment. Et si tu as besoin de parler, tu peux te confier à moi, d’accord ?

Camille goba le comprimé et descendit immédiatement de la table. Il avait encore plus mal qu’à l’arrivée. Mais maintenant il était soigné. Il regarda l’infirmier et lui sourit, ignorant la dernière partie de sa phrase. Il avait bien compris que ce dernier n’avait pas gobé l’histoire de l’escalier. Mais le blond n’avait de toute façon pas envie de parler de ça.

« Non, c’est bon. Merci monsieur. À ce soir. »

Le garçon sorti de l’infirmerie en soupirant, et chercha immédiatement Jérémie du regard. Il fut agréablement surpris quand il remarqua l’homme qui attendait toujours. Et il sourit.

« Oh … Tu es toujours là. J’espère que ça n’a pas été trop long ? »

Il s’approcha du palefrenier d’un pas mal assuré. Il avait vraiment le cerveau en compote à cause de la douleur et sa vague impression de nausée était toujours là.

« Je t’offre un café du réfectoire, ou n’importe quoi d’autre qui se boit et que tu aimes, pour te remercier de ta patience. »

Mauvaise Surprise

Camille

Jérémie n'émit aucun mot aux remerciements de l'adolescent. Il se demandait encore ce qui lui avait prit d'accepter ça mais bon. Ce qui était fait était fait. Pourvu que personne ne le croise dans ce couloir en se demandant ce qu'il glandait là. Et pourvu aussi que le mensonge qu'il avait sortit à l'infirmière n'atteigne jamais les oreilles de la hiérarchie. Il avait déjà tut un incident avec Tessa qui s'était sut trop tard. Le directeur ne lui pardonnerait sans doute pas aussi facilement que quelque chose de semblable se reproduise en gardant sous silence le rôle de Tessa sur la sécurité d'un autre résident. Jérémie, qui avait croisé les bras en s'adossant au mur, déglutit en se rendant compte de ce qu'il risquait à couvrir le blond. Couvrir pour rien en plus, parce que personne ne lui reprocherait d'avoir été une victime ici. Au fond, le palefrenier n'avait fait que couvrir la pudeur de l'adolescent. Est-ce que ça en valait vraiment la peine ?

Le temps s'éternisait. Jérémie soupira en observant la cour depuis une fenêtre. Dire qu'il pouvait faire autre chose de plus intéressant que lorgner une vitre...On aurait dit un chien qui n'attendait que l'heure de la promenade. Ca lui apprendra à se résigner aux caprices d'un gosse. Il était en train de se ramollir, c'est pas possible. Il fut un temps où il l'aurait envoyé paître sans autre forme de procès. La porte de l'infirmerie se fit finalement entendre. Le garçon d'écurie tourna un regard vers l'adolescent qui en sortit rafistolé comme on l'aurait fait avec un pot brisé et du ruban adhésif.

- Si, mais peu importe, rétorqua t-il à son approche.

Il se tourna vers lui.

- Pas besoin de me remercier, ou si tu tiens vraiment à le faire, retourne te reposer dans ta chambre que je puisse enfin avoir la paix.

Bien que ça avait l'air sévère comme paroles, le jeune homme n'avait dit ça uniquement pour que l'adolescent aille effectivement se remettre de ses émotions, et également pour lui éviter d'être redevable.

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Camille se tenait toujours un peu voûté. Les bandages autour de son torse l'aidaient à avoir moins mal et il attendait avec impatience que le comprimé qu'il venait de prendre fasse effet. Et espérant que ce dernier lui fasse quelque chose d'ailleurs. Le blond perdit juste un peu de sa superbe à la réponse de Jérémie.

« Ooh … Excuse-moi. »

Évidemment que ce dernier n'allait pas être ravi d'avoir été obligé d'attendre ici. Alors qu'il avait sûrement beaucoup de choses à faire à l'écurie, ou ailleurs d'ailleurs. Camille avait été égoïste de ne penser qu'à lui. Juste pour se sentir un peu plus rassuré d'avoir quelqu'un sur qui compter derrière cette porte.

Le palefrenier refusa même son invitation à boire quelque chose. Camille hocha la tête, résigné, il l'avait assez embêté pour la journée. Et vu la réaction de l'homme, il en avait visiblement marre de s'occuper de lui pour aujourd'hui. Alors, Camille allait lui obéir sans un mot, à un détail près.

« Ça compte quand même si je me repose ailleurs que dans ma chambre ? »

Camille rit pour se donner un peu de contenance, mais il n'avait vraiment pas envie de retourner dans sa chambre. Si Tessa y était, il n'arriverait pas à supporter d'autres remontrance de sa part. D'ailleurs, il ne savait pas comment il allait faire pour continuer à la supporter en tant que colocataire … Il y avait bien Norbert, mais ce dernier ne prendrait jamais sa défense si Tessa recommençait. Le blond baissa un peu la tête, il allait devoir se débrouiller seul pour gérer ça …

« Encore merci Jérémie de m'avoir aidé. C'est sympa d'avoir quelqu'un qui s'intéresse à moi et qui n'attend rien en retour. Et je te prie de m'excuser encore pour Vagabone, j'espère que tu me pardonneras un de ces jours. »

Camille lui lança un autre sourire, mais cette fois-ci bien plus timide par rapport à ce qu'il faisait d'habitude.

Mauvaise Surprise

Camille

Les excuses de l'adolescent n'étonnèrent guère le palefrenier qui s'y était attendu. Et c'était sans doute la moindre des choses en effet que de s'excuser pour ça, même si ça ne changerait pas la situation. Ce qui est fait est fait. Le temps que Jérémie avait perdu à l'attendre ne pourra jamais être récupéré. Heureusement qu'il n'était pas débordé de travail en ce jour. Le cas contraire, il aurait sans doute bel et bien refusé de lui faire cette faveur. Jérémie pensait avoir la paix enfin, mais c'était sans compter le fait que le blond n'était pas très à l'aise avec l'idée de retourner dans sa chambre. Le garçon d'écurie le vit venir à des kilomètres et rétorqua :

- Non, pas dans l'écurie.

Après tout, le jeune homme l'avait pensé un moment donné, alors qu'ils étaient tous deux en train de soigner Vagabone et Jérémie avait été catégorique plus d'une fois. L'adolescent, bien que dépité, en profita tout de même pour exprimer sa reconnaissance une fois de plus envers le palefrenier. Oui, c'était sûrement sympa ce qu'il avait fait pour lui. Depuis des années, Jérémie avait accepté le fait que personne ne s'intéressait à lui, au point d'avoir été abandonné plus d'une fois. Seuls les chevaux en avaient été capable et à présent, le jeune homme ne jurait plus que par eux. Il avait décidé d'ignorer ceux qui pouvaient encore chercher le contact auprès de lui mais Camille avait encore les moyens de ne pas faire la même erreur que lui et de continuer à avoir confiance aux autres. Il était simplement ironique de penser qu'il le faisait par l'intermédiaire de Jérémie.

- Continue de prendre soin d'elle, finit-il par répondre à l'adolescent avant de finalement le planter sur place pour quitter le bâtiment.

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Le blond ne put s’empêcher de ricaner un peu devant la réplique du palefrenier. Chose qu’il regretta immédiatement. Il avait trop mal pour pouvoir rire normalement. Il allait surement devoir se contenter de sourire durant quelques jour. Ce tenant l'endroit qui lui avait fait le plus mal, il répondit à son interlocuteur.

« Non, j’ai compris, si je ne suis pas un cheval, pas d’écurie après les heures d’ouverture. Je pensais plus à la bibliothèque. Cela m'étonnerait que l'autre y mette les pieds. »

Camille lui sourit gentiment, encore une fois. Il avait très bien compris qu’il n’avait pas intérêt à se pointer à l’écurie en dehors des horaires autorisés. Et même si pour aujourd’hui il rêvait d’enfreindre le règlement et de tenter le coup. Il était hors de question pour lui de fâcher le palefrenier. Car même s’il ne le connaissait pas, le peu qu’il avait vu de son tempérament ne l’incitait pas à essayer de le provoquer.

Puis quand il lui dit de simplement de continuer à s’occuper de Vagabone correctement, Camille prit un air très sérieux et lui répondit en y mettant tout son cœur.

« Je ferais de mon mieux. Et si c’est pas assez, je m’améliorerai pour m’occuper d’elle comme elle le mérite. »

Il eut à peine fini de prononcer sa phrase, que Jérémie prenait déjà congé et retournait sûrement vaquer à ses occupations. Mais, même s’il était déjà loin, Camille ne put s’empêcher de le remercier encore une fois.

« Merci encore Jérémie. Merci pour tout ... »

Il avait sûrement parlé dans le vide, mais ça lui était égale. Il était simplement reconnaissant que ce dernier ait perdu du temps pour lui. Le palefrenier n’en avait sûrement pas conscience, mais cela avait fait énormément de bien à Camille. Tellement de bien que pour le moment la petite voix qui le poussait à aller manger, c’était tu.

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